"Elle court...
Il fait chaud et humide, au moins trente degrés à l'ombre mais elle court sur le trottoir ensoleillé. Je suis grand et je marche vite, alors ça fait un moment que j'entends ses talons frapper le trottoir derrière moi, un son qui me rappelle toujours Betty Boop ou Minnie, je ne sais pas pourquoi.
Je dis qu'elle court mais en fait, elle ne peut pas... sans cesse d'autres piétons, venant en sens inverse, ralentissent ou même bloquent son élan. Aussitôt l'obstacle franchi, elle reprend sa course mais c'est pour mieux buter, cinq pas plus loin sur un autre badaud balourd et indifférent. Elle tarde à me dépasser. Clip clop, clip clop, un arrêt, et ça repart, et ça s'arrête... je me dis qu'elle n'y arrivera jamais.
Et pourtant si, la voilà à côté de moi, elle trottine aussi vite qu'elle peut mais elle ne veut pas se casser la figure. Son sac danse, la bride glisse de son épaule, elle la replace au dernier moment, ses chaussures claquent sur le bitume, le tressautement de ses petits seins passent en 78 tours, il est neuf heures, elle est en retard. Il ne faut pas.
Pourquoi est-elle partie si tard aussi !? S'est-elle attardée à choisir son maquillage ? Un enfant malade peut-être ? Ou encore un mari, un amant qui ne voulait pas la laisser sortir du lit ? Un mèl à répondre au dernier moment ? Une dernière confidence à faire sur ICQ ? Ou encore une simple constipation malvenue ?
Toujours est-il qu'il faut qu'elle se dépêche à présent. Elle a cru pouvoir voler un peu plus de liberté que d'habitude et maintenant, il faut qu'elle sue ! Telle est la dure loi des neuf-à-cinq ! Elle le sait, elle ne se ménage pas.
Mais après quoi court-elle exactement ? Elle ne va pas à l'Alliance Française, j'y vais, je la reconnaitrais. Or après l'Alliance, il n'y a plus guère que le parc et puis l'avenue...
Ah ! Ça y est, je comprends. Il y a un minibus garé le long du trottoir. Des passagers y montent l'un après l'autre, déjà il n'en reste plus que trois, puis deux, puis un seul... comme ils grimpent vite, jamais elle ne parviendra à les rejoindre à temps ! Quel dommage, elle y était presque ! Mais ses semelles sont glissantes et le bord du trottoir est tout proche, il faut redoubler d'attention pour ne pas se casser la figure au risque de ruiner ce joli tailleur beige, responsable, si ça se trouve, du retard de la belle.
Le mini-bus semble le faire exprès, il referme ses portes au moment même où elle allait parvenir à leur hauteur, le voilà qui redémarre !
Je remarque une sorte de flottement qui s'empare de la jeune femme, une partie d'elle qui abandonne la partie... sa tête dodeline déjà... mais non ! La voilà qui chasse sa faiblesse, elle ne peut s'autoriser à la défaite, elle se reprend ! Elle a encore son élan pour elle, il l'entraine toujours.
Alors elle court à côté du véhicule qui, impitoyablement, prend de la vitesse.
Ce n'est peut-être pas le premier retard de la semaine, elle ne peut pas s'en permettre un autre ! Elle ne peut s'y résoudre, non, il n'est pas trop tard, il faut qu'elle le rattrape !
Hélas c'est peine perdue et, vitre après vitre, elle se laisse dépasser... que peut-elle bien y faire ? Tant d'efforts et de sueur pour rien ! C'est trop bête !
Elle sait bien qu'elle ne peut pas continuer à courir comme ça au milieu de l'avenue et de la circulation, non, il faudrait qu'elle retourne sur le trottoir où tout le monde l'observe, même cet étranger avec son chapeau bizarre !
Seulement sur le trottoir, il faudra faire semblant de ne pas remarquer les sourires goguenards de tous ces abrutis qui l'ont vue s'avouer vaincue, pire, elle devra aller se placer derrière eux pour attendre le prochain mini-bus. Et là, essoufflée, en nage, il faudra encore qu'elle cherche la meilleure excuse à fournir au sous-chef, qui ne marchera peut-être pas aussi facilement cette fois... on aura beau faire sa bonne fille, elle entend déjà les remontrances hypocritement camouflées sous un sourire faussement paternel.
Ah non ! Ce sourire, cet air entendu entre les collègues, elle ne peut plus supporter ça ! Seulement voilà, l'arrière du minibus est déjà remonté à son niveau... elle ne va tout de même pas s'accrocher au pare-choc !
Elle abandonne, elle arrête sa course et, machinalement, dans le dernier espoir dérisoire de sa volonté vaincue, elle ferme sa main droite et elle frappe un coup unique, au tout dernier moment, sur l'aile arrière du véhicule. Ça y est, c'est fini, elle a fait tout ce qu'elle a pu, il ne lui reste plus qu'à se fondre, discrètement mais piteusement, dans la foule. Déjà elle se tourne vers ce trottoir qu'il lui faut rejoindre.
C'est du coin de son oeil droit qu'elle réalise, de justesse, que le mini-bus s'est finalement arrêté pour elle. Le chauffeur a dû entendre le petit coup qu'elle a frappé, ou peut-être s'était-il juste joué d'elle, on s'ennuie tellement derrière un volant et elle semblait si pressée !
La joie la transporte, les portes se sont rouvertes pour elle, elle est sauvée, son effort a payé, il y a une justice, un dieu peut-être ! Encore une fois elle est parvenue à se dissoudre à temps dans l'huilage de sa mécanique quotidienne. Quand elle arrivera au bureau, ce sera lavée de tout soupçon d'indépendance, on pourra ignorer sa vie privée, cette sale intimité qui a encore failli la faire désigner du doigt !
Ah elle ne changera jamais ! Toujours en retard ! Toujours mille trucs à faire ! Il faut pourtant bien qu'elle s'y fasse ! Le chauffeur du mini-bus a redémarré en trombe avant même qu'elle ne se soit assise, la faisant trébucher mais elle lui doit tout à ce chauffeur ! Peut-être bien qu'il se fichait d'elle pour s'amuser à ses dépens mais il a tout de même fini par s'arrêter, alors elle ne dira rien, quoiqu'il fasse encore. Non ! Elle le remercie tout bas, au contraire.
Elle s'asseoit. Elle respire.
Alors même qu'elle retrouve son calme, bienfaisant, une sorte de voile monte et embrûme ses yeux qui brillaient de vie et je devine qu'hélas, c'est bien là son regard ordinaire."
Nish
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"Le Jésus du Yinchuan (Photos et vidéos à http://nishman.free.fr/yinchuan)
Je viens de rentrer de Chine où je me suis gelé plus que de saison.
Mais c'est une longue histoire, alors commençons au début:
Il y a deux ou trois ans, je rentrais chez moi en traversant le Parc Victoria, sur l'île de Hong Kong, quand une jeune femme assez moche s'est approchée de moi en me disant qu'elle cherchait des gens susceptibles de jouer dans un film publicitaire et que mon profil correspondait à ce qu'elle voulait. Comme le studio se trouvait juste à côté de chez moi, j'ai accepté, flatté, de me rendre au casting. Il s'agissait de faire l'idiot sur un terrain de tennis, sur la musique de "Superstition" de Steve Wonder pour la marque Sunday, un service de téléphonie mobile. Cinq Caucasiens ont été choisis, dont moi. Le tournage a duré une journée et je me suis bien amusé. La pub est passée à la télé quelques semaines plus tard et les gens, qui me reconnaissaient dans la rue, flattaient fort mon égocentrisme, vain mais récurant.
L'affaire était oubliée mais voilà que la semaine dernière, la même agence m'appelle. Cette fois-ci, on a besoin d'un Jésus. Suis-je libre pour un casting ?
Un casting pour jouer le Christ dans une pub pour Stimorol, une marque de chewing-gums danois ? Mais je ne sais même pas faire le signe de croix !
Remarque, Jésus non plus j'me doute.
Tout de même, mettre Jésus dans le chewing-gum ! Il fallait y penser ! Belle idée remarque, après la messe, on distribuera des ostie-gums: les Ostimorol ! C'est normal, avec le temps, le corps du Christ s'est fait coriace, essaie d'mâcher une momie, tu vas voir !
Imagine un peu la tronche des paroissiens bovinant leur bout d'Jésus pendant l'office ! Ça sera classe vu d'la chaire !
Et quand le pape fera une bulle, tout le monde se foutra d'sa gueule: - "Le Christ renait ! On voit déjà un testicule !"
Il me faut ce job ! C'est trop drôle !
Seulement, j'suis pas spécialiste, comment fait-on pour bénir de manière convaincante ???
Comment on multiplie les petits pains ? Est-il absolument nécessaire de transformer l'eau en vin pour pouvoir marcher dessus sans avoir l'air d'une cruche ? Ma mère va-t-elle redevenir vierge ? Ça va faire mal d'être crucifié ? Puis-je enfin draguer les bonnes soeurs ?
Quand on prie, où place-t-on les mains ? Pour avoir l'air charitable et bon, vaut-il mieux sourire ou simplement avoir l'air bête en inclinant la tête ?
'tain ! Tant de choses à savoir en si peu d'temps ! Il faudrait un miracle catéchisant !
Moui et même, se rendait-on bien compte du conflit mental dans lequel je me trouvais ! Moi, qu'on surnomme l'hérétique, le Maitre, le 666, prêt à vendre mon âme à Dieu pour satisfaire mon égomanie. Est-ce bien immoral ? J'ai des doutes... le Diable peut-il rire de lui-même et devenir fils de Dieu un court instant ? Y a-t-il un risque de contamination ou est-ce, au contraire, le summum de la perversion ? C'est qu'avec Dieu, il faut faire gaffe, souvent il pardonne plus vite qu'on blasphème, c'est à s'arracher les cornes ! M'enfin là, aller faire passer son rejeton pour un mongolien bovin et frigorifié, ça devrait vraiment le fiche en rogne. C'est un coup à détourner ses foudres du plateau de Mel Gibson ! On tient le bon bout !
Tu parles si ça m'intéresse ! Pourtant, y'a un truc qui m'tracasse... la couronne d'épines... va falloir qu'elle soit drôlement épaisse pour couvrir toute ma calvitie...
Bon, fallait qu'j'aille me rendre compte sur place de toute façon alors je m'suis empressé de couvrir les deux cents mètres qui me séparaient de l'agence.
Ils ont été gentils. Je n'ai pas de barbe, ils en avaient une. Je n'ai pas assez de cheveux, ils m'ont mis une magnifique perruque bouclée. J'ai un petit tatouage sur la poitrine, ils me l'ont gommé avec un make-up miracle. Ils avaient aussi une nappe blanche dont je me suis ceint les reins et là, finalement, l'apparition s'est produite, Jésus, lui-même, a réssucité dans le miroir ! J'en suis presque tombé à genoux. Lui aussi.
Ils m'ont littéralement mitraillé, je leur pardonne, c'est pas tous les jours qu'on rencontre le Seigneur.
Puis ils m'ont raconté l'histoire: C'est pour la marque Stimorol donc, chewing-gum disparu depuis un moment de Taïwan mais qui fait un come-back. Alors, c'est normal, Jésus, il traine sa croix, il tombe et il relève la tête pour dire: "I'll be back!". On sent l'influence californio-républicaine mais théologiquement, c'est assez rigoureux... Voilà, c'est tout. J'ai répété la scène de différentes manières en tirant une échelle pliante en aluminium en guise de croix, on s'y croyait ! J'ai vu une larme pointer au coin de l'oeil de l'appareil photo qui me prenait sous tous les angles, c'est dire !
Maintenant, la cerise sur le gâteau: Le tournage se passe en Mongolie !!! Ouiii ! Cinq jours tous frais payés dont trois de tournage ! Z'en veux !!!! A moi les steppes !
Siouplé, priez pour moi car dans le couloir, un autre mec, plus jeune mais eurasien, attend son tour. Ils ont convoqué d'autres candidats... on me rappellera la semaine prochaine. En attendant, je n'ai plus le droit de me couper les cheveux, la barbe ou les ongles !
Y'a un truc bizarre qui m'chiffonne quand même... il neige pas en Mongolie en cette saison ? Faudra-t-il que je chausse des raquettes pour trainer ma croix ?
La semaine suivante, Lina, ma gentille photographe, me rappelle pour une autre séance de photos, cette fois sans perruque et avec des verres de contact bleus. Ils avaient également confectionné une croix, grandeur nature, en sapin. J'ai donc remis ma panoplie sainte et j'ai, tant bien que mal, récité le texte qu'on venait de me montrer, en tirant douloureusement ma lourde croix sur le plancher en bois. Ma prestation a dû leur plaire puisque je suis ressorti avec le texte à apprendre par coeur. Cependant, je n'aurai la réponse définitive que le lendemain.
Mon texte me laisse perplexe:
Message 1:
"Essential tremor, cancer, illusion, stress, aloneness, anxiety, frigidity, aids, eating disorder - Disease is the sign !
I shall be back
Sorry, Stimorol comes back first !
Stimorol"
Message 2:
"Designer furniture, limited handmade bag, bracelet watch, 1986 Château Margot, 30 carat tiara, beluga caviar, virgin cigar, Objects of Desire !
I shall be back
Sorry Stimorol comes back first !
Stimorol"
Message 3:
"Slanderer, defrauder, deceiver, stealer, betrayer, self-seeker, opportunist, blind follower, blasphemer. Amend your ways !
I shall be back
Sorry Stimorol comes back first !
Stimorol"
De quoi ramener la paix dans le monde, en effet ! Avec mon lourd accent français, ça devrait pas passer inaperçu, c'est sûr ! Ben quoi, tu crois qu'il parlait l'anglais d'Oxford, Jésus ?
Je préviens mon employeur qu'il va peut-être faire fortune puisqu'il emploie un messie et qu'il devrait sans doute songer à rebaptiser l'établissement en Sainte Alliance Française du Christ, accrocher des crucifix dans les classes et organiser des pélerinages linguistiques à Lourdes.
Pas de problème, l'AF est cool, si ça marche, mes étudiants auront un remplaçant.
Le lendemain, le téléphone finit par sonner mais ce n'est que Lina qui vérifie si mon passeport est en règle et si je porte habituellement des lunettes. Toujours pas de décision. Il ne reste que deux candidats en liste mais je suis en ballotage avec l'Eurasien.
Finalement, quelques heures plus tard, victoire ! Ça y est ! Je suis officiellement le Jésus des chewing-gums, le Christ des mâchouilleurs, le Dieu de la bulle, je ressucite enfin !
Je cours faire des photos d'identité et j'apporte mon passeport à Lina qui va s'occuper du visa. Le rendez-vous est fixé à samedi, six heures du matin, devant l'hôtel Conrad. Lina n'est pas du voyage, c'est May qui m'attendra en compagnie des deux clientes taïwanaises. Une voiture nous conduira à l'aéroport. Wendy s'occupera d'Hélène et de Sarah pendant mon absence. Je suis (déjà) aux anges !
C'est marrant comme il est facile de se réveiller à l'aube quand on a un truc excitant à faire. J'étais le premier arrivé devant le porche de l'hôtel et j'ai largement eu le temps de faire le plein de nicotine en prévision du manque aéronautique qui allait suivre. Enfin la voiture arrive, chacun embarque ses bagages, nous partons. J'apprends en route que nous allons faire une escale à Shanghai où nous récupérerons la maquilleuse et l'équipe de tournage. Louis, le directeur, nous attend déjà à l'hôtel.
Je demande s'il y aura une foule de Chinois déguisés en Juifs et en Romains autour de moi lorsque je trainerai ma croix, en raquettes, dans la neige du désert. On me répond que non, je serai seul à l'écran et je porterai des sandalettes. J'en ressens beaucoup d'orgueil mais en même temps, je me demande bien ce que fiche un Christ à moitié chauve, pieds nus sous les flocons mongols. C'est là que j'apprends que nous allons en fait au Yinchuan, en dessous de la Mongolie et qu'effectivement, la première neige vient de tomber.
Vu la température qu'il fait à Shanghai, la nouvelle ne me surprend vraiment pas ! Vite, j'enfile mes vêtements chauds et nous nous engouffrons dans la tièdeur d'un minibus qui traverse la ville et l'immense fleuve Yangtsze afin de nous emmener à l'aéroport local qui se trouve à l'autre bout. Là, un petit avion nous prend en charge et il vole, pendant trois heures, vers le Yinchuan... terre promise dont je ne sais strictement rien !
J't'aurais bien envoyé un p'tit courrier du pays du froid mais, j'ai pas eu l'temps d'aller à poste. Y'avait bien un ordinateur dans ma chambre d'hôtel, et relié à Internet encore, mais ça doit être bridé un max, j'avais Google mais pas Yahoo donc pas accès à mon courrier.
Mon site web <http://nishman.multimania.com/> est, par contre, communistement correct ! J'ai pu y aller. Home, sweet home !
Le logiciel du courriel n'était pas configuré et tout était en caractères yinchuanois auxquels je ne suis pas très familier pis, j'avais très sommeil après une journée de tournage tout nu dans la neige.
Travailler avec une équipe chinoise, c'est qq-chose à essayer une fois dans sa vie ! Je suis en train de me demander si j'ai déjà eu des expériences de travail aussi fortes et surtout aussi humaines.
Pourtant, il a fallu se lever à 5:30 tous les matins, ce que je n'apprécie pas beaucoup d'ordinaire, le deuxième jour on a arrêté le tournage un peu avant la tombée de la nuit parce que j'étais littéralement mort de froid et j'ai fini en croix, à poil si ce n'est mon mini-pagne et sous les flocons de neige, allongé sur le bitume gelé d'une route au milieu d'un désert de rocailles couvertes de neige et balayé par le vent; il a fallu deux personnes pour me relever tellement j'étais raide, mais ce n'est pas moi qui suis enrhumé, c'est eux et ça parce qu'ils se sont occupés de moi comme une armée de nounous africaines. A la fin, j'avais trouvé le rythme. Il fallait faire comme dans les saunas japonais, passer sans arrêt du bain bouillant (mes nounous dans le minibus) au bain glacé (dehors).
Dans le van, il y avait un radiateur relié à un générateur électrique, des couvertures, des bouillottes, et mes frictionneuses. Elles m'ont gavé de barres d'énergie, de chocolat, elles me tendaient sans arrêt des gobelets de thé au ginseng, de café, de chocolat brûlant jusqu'à ce que je sois en nage. Et là hop, dehors, on tourne !
M'enfin y'a deux journées (sur trois) où on filmait tellement au milieu de nulle part que l'estafette chauffée ne pouvait pas s'approcher et là, on s'aperçoit bien que les sandalettes, ce n'est pas idéal pour marcher dans la neige surtout quand tu trimbales une croix qui pèse un arbre au milieu des cailloux glissants.
Jésus n'avait pas à marcher dans la neige, lui ! Quel planqué !
Mais même là, mes nounous ont fait tout ce qu'elles ont pu pour pouvoir soulager mon "martyr".
Maintenant j'ai compris l'histoire (y'aura trois épisodes, c'est une vraie saga !) et le texte qui va avec: Jésus, sa croix, ça fait dix ans qu'il la porte vu qu'il est parti de Judée et qu'il est arrivé dans le désert du Yinchuan. Ça explique aussi pourquoi il n'a plus beaucoup d'cheveux sur le crâne (le directeur a fini par renoncer à la perruque et aux yeux bleus). Depuis l'temps, il est devenu complètement barjot, il délire à fond et il ère, titubant, complètement pris par ses obsessions. Ce rôle m'allait donc comme une moufle fourrée. Le directeur m'a montré quelques passages de Klaus Kinski (que je révère) dans "Aguirre ou la colère de dieu" pour me mettre dans le bain.
Pour commencer, il porte une tunique de coton cru et un long foulard bleu pâle (et la couronne d'épines bien sûr) et il pleure sur les maladies du monde en trainant sa croix. Il dit: "I shall be back" sur un ton plein d'amour et de compassion.
Au deuxième épisode, il a perdu son long châle bleu et il s'en prend, de façon dédaigneuse et méprisante, aux objets de luxe qui corrompent les hommes. Il promet de revenir les en débarrasser.
Au troisième épisode, il n'a plus que sa petite culotte (il a fallu que je porte un slip "T-bag" en dessous et j'ai horreur de ça parce que ça rentre entre les fesses, m'enfin l'idée de les exhiber sur les petits écrans taïwanais valait bien ce petit sacrifice), faite d'un foulard de coton cru. Là, il pique sa crise de haine contre les pêcheurs de ce bas-monde et son retour est annoncé de manière fort menaçante.
On a tourné un gros, très gros-plan de pure rage où je me tiens la tête comme un possédé du démon (c'est ma réaction au fait qu'il est annoncé que Stimorol reviendra avant moi) et puis ce plan final, allongé, crucifié sur le bitume, beuglant et congestionné de froid, avec la croix, tombée à mes côtés. Dramatique !
Pour cette toute dernière scène, la police bloquait la circulation à chaque fois qu'on faisait une prise sur la route et j'ai demandé au directeur comment il s'était assuré son aide. Il a juste frotté son index contre son pouce. Avec de l'argent, en Chine, on peut tout faire. C'est con qu'j'ai pas d'fric.
Le premier jour, y'avait même un type qui me portait sur son dos, jusqu'à la croix, depuis la tente, pour m'éviter de me geler les pieds et qui m'allumait une cigarette à chaque retour ! J'pouvais vraiment pas m'plaindre ! Alors moi aussi j'ai vraiment fait tout mon possible pour qu'ils soient contents, c'était pas du tout le genre d'idée ni d'expérience que j'avais du travail d'équipe, je croyais pas que ça puisse être comme ça, une sorte d'énergie collective, avec tous les moyens du bord, qui pousse tout l'monde à faire de son mieux. Je croyais pas qu'on puisse se sentir aussi intensément vivant, aussi dédié à l'accomplissement de quelque chose même si ce n'est qu'une comédie taïwanaise anodine de 90 secondes. Pas comme ça. Et pourtant j'ai fait partie d'une équipe de doublage et j'ai tourné d'autres pubs mais là, c'était pas pareil. Jamais personne ne m'a jamais aussi bien gardé en bonne santé, fait autant de compliments ni montré autant d'attentions ! Et puis, j'étais le seul acteur, ça aide à se sentir cajolé. Les chambres, les restaurants, tout était luxueux. Quelquefois le destin s'acharne sur toi et parfois, c'est pour te rendre heureux.
Pendant ces trois jours de tournage, j'ai eu la chance rare de pouvoir goûter à un bonheur complètement hors de portée d'ailleurs ! Quels concours de circonstance, quels excès faut-il donc pour que je me sente vivre si fort ! Pourtant tout était là et l'aurais-je voulu, je n'aurais pas pu y échapper. Un désert dans lequel je joue le Christ, seul aux regards d'une trentaine de personnes empressées et de quelques caméras, me laissant aspirer par l'égomanie de Kinski plutôt que la repousser et jusqu'à cette croix qui m'a démoli l'épaule et que pourtant, va savoir pourquoi, j'avais un certain orgueil à porter. Le résultat est un Jésus ridicule mais il fallait que je le joue "sérieusement" pour que ça soit encore plus rigolo et c'est exactement ce qui me rendait heureux, le jouer comme ça... J'ai dû être moine dans une première vie, pas toi ?
Le paysage, le décor du spot, était extrême; imagine un désert de rochers, de pierres, un gigantesque marais asséché avec ses brusques crevasses à pic, ses bassins soudains et de toute taille, le tout recouvert de neige, plat jusqu'à l'horizon, sans un arbre, sans un oiseau, sans un signe de vie, le rien lunaire, "Solaris" revisité. On se demande ce qui a pu arriver pour que cette terre soit punie comme ça. Impraticable, incultivable, tu peux à peine y marcher tellement c'est plein de cailloux, un mulet s'y briserait les sabots, ah ça, question galopades de steppes mongoliennes, c'était rapé, j'ai pas vu le moindre cheval !
La seule chose qui bouge, ce sont les camions remplis de terre. Yinchuan est une ville bizarre. Il y a du fric (le pétrole) mais comme il n'y a rien, ils bâtissent plein de trucs uniquement pour faire joli, pour combler le vide. Y'a des trouvailles sympa comme des sculptures modernes un rien tapageuses, y'en a d'autres plus bizarres comme des troupeaux d'éléphants ou de faux palmiers illuminés.
J'ai souri quand j'ai vu, près d'une route, de mignons petits ponts chinois traverser un peu d'eau d'un lac pour relier une série de petites îles artificielles et rondes, charmantes et romantiques, au milieu desquelles on avait planté un poteau électrique. Sécurité routière avant tout ?
La Chine s'est enrichie comme un feu de broussailles depuis 20 ans et elle fait un peu parvenue par moments. Comme le clinquant des néons et des illuminations
nocturnes de Shanghai d'où j'arrive et où nous avons passé la nuit à boire, à déguster des mets succulents et raffinés et à fumer de gros cigares, eux heureux de rentrer vu que ça fait 15 ans qu'ils bossent ensemble et moi impatient de retrouver mes filles qui m'avaient préparé une rose sur mon bureau et un mot de bienvenue rempli d'amour et de bisous mais un peu mélancolique quand même de reprendre ma vieille vie normale de prof... jusqu'à la prochaine aventure !"
Nish
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Back in Pékin.
Mes meilleurs voeux ! Je sais, je suis en retard mais qu'est-ce que tu veux, j'étais pas chez moi, je suis allé faire un petit tour en Chine voir si la capitale avait changé depuis 1983. Réponse ? Plutôt !!!
A Pékin, je loge toujours dans une suite. C'est comme ça. C'est ma façon d'réagir à l'idéologie locale. La première fois, j'ai même mangé chez Maxim's. Pas là. Mais j'ai tout de même récolté d'une suite au Marco Polo à cause d'Ovaire Bouquine, la bonne fée des voyageurs.
Déjà, je sentais que la Chine n'allait pas être communiste pour tout l'monde...
Il n'y avait pas d'ordinateur dans la chambre par contre, faut aller au Yinchuan pour ça, c'est une région administrative spéciale, donc mieux équipée sûrement. Il y avait une prise Internet rapide mais je n'allais pas emporter mon laptop d'autant plus qu'on est plus serré dans les sièges de Dragonair que dans les autocars du Punjab, je regardais l'aile de l'avion, déserte, avec concupiscence, c'est dire la cohue dans l'cokpit ! A l'arrivée, je me suis aperçu que j'avais oublié d'ôter ma ceinture de sécurité pendant toute la durée du voyage. Elle ne m'a pas géné.
De toute façon, on n'était pas venus à Pékin pour s'prélasser dans une baignoire, fut-elle en marbre farci d'émeraudes. J'admets le pouvoir anti-soporifique de National Geographic sur la télé cablée, lequel a eu un effet dramatique autant que percutant sur le mini-bar mais que seraient des vacances sans un brin d'insomnie ?
J'ai complètement oublié Noël. Ça doit être le fait d'avoir des mômes. Tous les ans, le sapin, les cadeaux... là, plus besoin, les filles étaient sur un autre continent avec leur mère. Il y avait bien un sapin dans le vestibule de l'hôtel et quelques décorations en ville mais Pékin ne se prête pas encore au grand-guignolage de Jésus-Santa, même combat ! Ça repose, j'te jure ! Pas de Bingle Jell, pas de drelin-drelin, pas d'Internationale Communiste non plus, d'ailleurs, les petits oiseaux, le ciel bleu dégagé d'enguirlanderies pendouillassantes, des arbres auxquels la dignité d'arbre était rendue comme elle leur ai dûe et non des épouvantails à hiboux clignotants piètrement de toutes parts comme de municipaux bijoux.
Il y a vingt ans, Pékin m'avait, au début du mois de septembre, glacé le sang bien davantage que cette fois-ci à la fin décembre. Les bâtiments de l'avenue qui mène du Beijing Hotel à la place Tien An Men sont bien les mêmes mais leurs sommets ont changé, on les a rénovés, désquarisés, enguillerés, customisés. Les rues sont pleines de véhicules à moteur ! Il y a toujours des vélos mais trois fois rien comparé à avant. Terminées les meutes de gens aux regards éteints, avançant au même coup de pédale, tous habillés en tout et pour tout de trois couleurs. Finis, surtout, ces visages fermés, lugubres, curieux et méfiants à la fois. Cette fois, j'ai été frappé par les sourires, les éclats de rire même, les gens ont l'air d'êtres humains, les rues reflètent la vie, il y a des marchés, des supermarchés, des jeunes qui font du skate, des amoureux qui s'embrassent, des types qui jouent de la musique sur le trottoir, d'autres qui s'font attraper dans les grands magasins pour avoir chouravé un gadget, des minettes en bottes blanches sur des scooters roses, des couples mixtes.
Pourtant, on y trouve pas le luxe exhubérant de Shanghai, à Pékin, on sent un peu plus de rigueur, les marques du Parti sont toujours évidentes, Mao pourrit doucement dans son mausolée moisi mais je n'ai pas eu l'impression que les Pékinois allaient accomplir de sitôt son voeu d'être enterré dans son village natal. C'est comme si on demandait aux Français si on pouvait démonter la Tour Eiffel pour la remettre dans sa boite de Mécano. Ils diraient non. Ben les Chinois, pareils, Mao, il veulent le voir, enformolé dans son cercueil de verre. C'est leur Blanche-Neige à eux. Bonnes pommes, ils font toujours la queue pour aller l'voir s'décomposer comme s'il allait leur puruler un nouveau verset au petit livre rouge. Qu'on m'a d'ailleurs proposé dans un marché de rue, en version française, comme quoi ça s'exporte. Ça paye pas d'mine un petit livre rouge, c'est normal, c'est pas fait pour être placé sur un rayon de la bibliothèque en chêne Louis XV du boudoir de l'aile ouest du manoir mais tout d'même, la couverture en plastique, le format "Pif-Poche", le papier recyclé, ça relève du gros tract façon sortie de quatrième au bahut. Bref, j'l'ai pas acheté. J'ai dit au type, désolé, j'l'ai pas lu mais j'connais déjà la fin, c'est comme la bible quoi.
J'ai préféré aller manger une kébab chez les Ouigurs. Que ce soit en Afrique du Nord ou en Chine, quand tu manges chez les Musulmans, c'est bon, c'est pas cher et t'as un max de sourires et de bonne humeur en plus. On était tous pliés quand y'en a un qui a sorti une poupée de Bush coupée en deux et une autre (entière) de Ben Laden, à piles, qui balançait des coups de poings dans la tronche de l'autre attrape-Saddam. On sentait le type content de pouvoir faire sa plaisanterie devant un Occidental. Fallait s'mettre à sa place et du moment que la kébab n'explosait pas...
Il reste encore de vieux quartiers à Pékin, de ses anciennes grandes maisons bourgeoises, avec leurs cours reconverties en quartier de districts. Une quinzaine de familles se partageaient un espace assez réduit mais c'était le Grand Bond en Avant, on allait pas faire le crapaud ni la grimace, d'autant que justement, le voisin regardait. Je sais pas, ça doit pas faire très tendance, alors, avec les Jeux Olympiques qui approchent, ces vieux quartiers sont démolis et on reloge les gens dans des immeubles plus modernes. C'est toute une époque de Pékin qui disparait, les gens qui m'en ont parlé avaient l'air mélancolique, les vieux s'y accrochent encore, ils préfèrent leurs vieilles briques au béton neuf. Je suppose qu'il régnait une atmosphère de petit village, dans ces vieilles cours, qu'ils savent absente des grandes tours.
Je suis allé revoir quelques lieux touristiques. Là, j'ai retrouvé l'ambiance de l'Inde avec la meute des vendeurs qui ignorent le sens du mot "No" mais qui te laissent tranquilles si tu parviens à les faire rire. Faut dire, avec ma toque en fourrure de renard cendré, mon pull en laine noire couvert de peinture au minium, mon futal d'attaqueur de banque et mes lunettes de soleil anti-reflets, j'y arrivais pas trop mal. Y'a vingt ans, c'était mes cheveux qui étonnaient les Pékinois, maintenant c'est tout...
J'ai été déçu, le lac du Palais d'Eté était bien gelé mais pas suffisamment pour y patiner. Je me suis rattrapé en en faisant lentement le tour pour en savourer son paisible romantisme: des allées d'arbres multi-centenaires, des petits ponts chinois aux noms inspirés par des poésies, de grands joncs pris dans la glace. Dans un canal gelé, un homme avait cassé la surface et se baignait. Plus loin, garée sur sa béquille sur l'eau figée, la bicyclette du nageur attendait. On aurait dit le vélo de Jésus.
L'industrie touristique se développe en Chine et elle ne prend pas une tournure bien différente du reste du monde. Un jour, on a décidé de louer les services d'un guide pour aller visiter la Grande Muraille. Une nana, qui affirme s'appeler Sweet Li, vient nous chercher à l'hôtel. On passe au Beijing Hotel pour prendre un autre touriste japonais. Là, Sweet Li nous annonce qu'on va visiter une usine de jade au passage. Qu'à celà ne tienne. On arrive devant un gigantesque bâtiment. Tout un tas d'hôtesses se précipitent. On nous fait visiter un chaine de fabrication où trois "ouvriers" font semblant de bosser. On nous présente le jade sous toutes ses formes. On nous fait deviner quels sont les morceaux de jade véritable parmi du faux, on s'extasie devant la perspicacité du touriste quand il réussit à extraire le bout d'plastique qui ressemble à une fève sortie d'une gâlette des rois moisie et on balance le pigeon dans une gigantesque salle de vente. Ça m'a rappelé l'Egypte, la Grèce, La Tunisie, les Baléares, bref tous les tours organisés que j'ai pu faire en famille quand j'étais môme. Dix minutes plus tard, j'étais dans l'parking à griller ma cigarette. J'en ai fumé cinq, le temps que l'Japonais ait fini ses amplettes. En arrivant, il a dit un truc pour s'excuser en faisant deux courbettes à s'déhancher les reins et on est repartis pour aller visiter une tombe Ming. Après ça, rebelotte. Il a fallu s'faire ausculter par un toubib. Ouais, la médecine chinoise et ses herbes miraculeuses ! Bon, ok ! Alors là t'as un vieillard qui t'prend l'poul (il le rend après) et qui regarde ta langue (sans rien décharger) avant de t'annoncer que l'réglage ying et yang de tes reins a besoin d'une révision sans parler de tes artères qui s'durcissent et qu'il faut donc acheter plein d'herbe à 450 balles le sachet. La mienne étant moins chère pour un effet beaucoup mieux garanti, j'ai préféré aller déjeuner en me demandant si la Grande Muraille existait véritablement...
Nous y sommes finalement parvenus et c'est vrai que, tout compte fait, en cette saison, on n'a pas tellement envie d'y rester trop longtemps. C'est pas tant à cause du froid, c'est surtout à cause du vent qui appuie dessus très fort jusqu'à ce qu'il rentre... ou que tu t'envoles c'est selon. Ceci dit, quand t'arrives à sortir une pupille de ton cache-col pendant trois secondes, tu t'aperçois que c'est très beau comme mur, et vachement long. Berlin, c'était du travail d'amateur à côté. C'est tout crénelé et y'en a partout jusqu'à l'horizon, ça suit les crètes des montagnes, on dirait une gigantesque queue de dragon, très chouette m'enfin j'aimerais bien qu'ils bouchent les crèneaux, ça éviterait de s'prendre une rafale glaciale dans l'oreille tous les deux pas !
C'est la deuxième fois en deux mois que je vais faire un tour en Chine mais je crois que je vais prendre un abonnement parce que je ne m'en lasse pas. Fini le stress façon Corée du Nord, la Chine s'hamburgeoise, met des jeans et enregistre son hiphop local. Hong Kong va tourner bourgade dans pas longtemps si ça continue à ce train-là. J'envisage un déménagement mais ce n'est pas la peine. Déjà les Hongkongais viennent d'obtenir le droit de conduire en Chine sans passer de permis de conduire "local" préalable. Bientôt on ne fera plus la différence et je commence à comprendre qu'avec un peu de patience, c'est un vaste horizon libre qui s'ouvre enfin. Résident permanent à Hong Kong, je pourrai sans doute bientôt circuler à loisir dans un pays immense !
Nish (photos du voyage à: http://nishman.free.fr)
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A lire avec l'accent canaille du Canal St-Martin, style
"Atmosphère ! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?"
Vidons donc ce bovidé avant qu'il ne vide le bidet !
Il faut pas qu'ça vous fâche si ça fait un peu lache
Mais il vaut mieux qu'on sache que je suis plutôt vache
Avec les boeufs.
Car avec eux tous les coups d'queues sont pour les mouches;
On fait pas mieux dans l'genre teigneux et sainte-nitouche,
Ils sont vieux-jeu !
Pourquoi sont-ils cornus ? Car sans leurs attributs
Les boeufs n'ont jamais pu se permettre d'être cocus.
Quels prétentieux !
Voyez leur air bovin, leur machouillage crétin ?!
Quelle bande de bons-à-rien ! Quel troupeau ! Quel chagrin !
Ça ! J'leur en veux !
Y'a bien ces quelques veaux qui s'prélassent sous l'bouleau
Mais on m'ferait la peau si j'draguais les jeunots,
C'est pas sérieux !
Abreuvoir, mangeoire, dortoir, rien à croire le soir,
Pas d'espoir, pas d'foires, pas d'gloire, jamais d'train à voir,
S'cusez du peu !
Quand ça me mine, je rumine et j'ai très mauvaise mine.
J'suis pas fine, j'perds ma ligne et les bouchers s'radinent,
A qui mieux mieux !
Si j'ai pas l'oeil mauvais, j'ai le regard en coin
Et pour du grain pas frais, j'peux vous faire tout un foin.
Pas froid aux yeux !
Le seul qui m'donne la trique, c'est l'fermier ou sa clique:
Leur trayeuse électrique est tellement érotique,
J'ai l'pis en feu !
Nish
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Madame !
Dominez, je vous prie, votre élan passionné !
Car ce n'est plus de la passion ! C'est de la rage !
De jouer avec les sons, le poète est en nage !
De mauvais mots sans vie, comme flocons de neige
Semblent émerger du gris, tombent et se désagrègent.
Gros fumeur, le rêveur est souvent sans ardeur;
Il se gratouille la peau, s'endort aux dominos.
Bien grande est sa stupeur, terrible est sa torpeur,
Allongé sur le dos, il ne pipe pas mot.
Folie ? Perte de temps ? Négation de son talent ?
Il se le dit lui-même assez passionnément !
Il évite ce qui pique, il s'en fait une éthique,
Mais qui peut dire s'il nique son centre chorégraphique,
Tant il aime son chichon qu'il achète par rations,
Et si ses dégâts sont trop dévorants ou non ?!
Nish
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Ying Min
J'ai une copine divine qui me fascine, en Chine.
Elle s'échine pour des pralines, pas fine, mais badine.
Ying Min est si féline, quand elle tapine, elle couine.
Mutine, elle dine d'une pine au fond d'une gabardine.
Elle est caline bien qu'elle turbine dans les latrines,
C'est une coquine que rien ne mine, même pas l'urine !
Elle se ruine les canines tant elle n'est pas radine;
Quand ça sent la sardine, maline, elle pense "tartine" !
D'humeur plutôt chagrine, son père trime à l'usine.
Sa mère est une vermine d'allure assez bovine.
Elle n'a pas la trombine d'une fille de magazine,
C'est pas une Marilyn, elle s'ra pas Miss Beijing
Mais rien n'se ratatine: elle n'en fait pas un spleen
Et Tonton a bonne mine quand il mord ses tétines.
Nish
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La polymérie polygame est rare dans les polygynies de polygraphes polyglottes et polydipsiques
Le Pôle, au Nord, il touche le fond,
Le Pôle est mort car le Pôle fond.
Mais Paul m'épaule si j'me morfonds
Polymorphant mon polochon.
De sa polacre, parlant polabe,
Polémographe polyvalent,
Paul dépollue fort poliment
Les polémiques et les palabres.
Il est poliade en politique,
Paul traque en polémarque poli
Toutes les polypes polysomiques
Et les polyomes de polyopie.
Sur son polder de polynie,
C'est un épaulard de génie
Sans être polard, il polarise
Car avec Paul, l'art s'autorise.
Nish
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Va-t-en Tonton !
De mon temps, on donnait de son temps.
Donner de son temps c'était tentant.
Avant, de mon temps, on donnait tant !
C'était de bon ton, c'était le bon temps.
Bon sang, t'entends les jeunes d'antan ?
Prendre son temps, c'est épatant !
Se faire du sang, vers quoi ça tend ?
Puis c'est bien lent, bien entêtant !
Maintenant t'attends tellement longtemps,
Que de temps en temps tu cèdes ton temps;
Pour faire de l'argent tant et tant,
C'est en chantant que t'es partant !
Tu vendrais ton âme à Satan !
T'y passes tant de temps, c'est exaltant ?
T'es si distant, c'est ton passe-temps ?
Où est le gitan d'il y a trente ans ?
Nish
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Words to Harassing Race
"Harassing Race, how sweet you sound,
To make a sheep of me....
I once was free but now am found,
Was kind, not in high glee.
T'was Race that taught...
my heart to fear.
And Race, my peers reviled.
How tedious does the world appear...
now that your church has filled.
Through many crusades, stakes and snares...
we have already come.
T'was Race that brought hell thus far...
and Race will split us home.
Discord just promises more debris...
The sword of hate punctures
Our will, our hope, our family...
Where's life in your features ?
You've been here for thousands of years...
You were really no fun.
Yet we still have the strength to raise...
as when you've first begun.
"Harassing Race, how dumb you sound,
To make a freak of me....
I was naive but now I found
Better things to study.
Nish
Welcome to my nightmare
Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish
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