Nish Man - Dieu

Conte blasphémato-grivois,
cantique épique et colégramme. 

J'ai toujours eu un vague soupçon
: ma vie serait-elle moins banale qu'une autre ? Naaahh, c'est juste
mon immaturité qui veut ça ! Je m’étonne d'un rien !

Et puis j'ai eu la varicelle.

Je conseille comme maladie
d'ailleurs, plus on attend d’être vieux pour l'attraper plus ça
fait d'effet ! C'est à peine si je me roulais trois pétards par jour
au lieu des dix-sept habituels; c'est dire ! Plus besoin ! Quelle économie
! J'étais là, tout gisant, content d’être immobile, en train de
germer. J'ai bien essayé de regarder un film une fois mais c’était
vraiment trop fatigant. En fait, je me souviens surtout du réveil qui
sonnait toutes les quatre heures pour que j'avale ma pilule anti-démangeaison.
C’était bien histoire de faire quelque chose parce que qu'est-ce
que j'aurai gratté de toute manière hein ? Est-ce qu'on gratte du
ketchup ?

De temps en temps quelque-chose
en moi poussait le bouton "Marche"; je me retrouvais alors
sur mes jambes, comme une marionnette hésitante et ballante et mon
corps allait mécaniquement pisser. J'étais resté dans mon bureau
parce que c'est en ville, près des médecins et que mes filles étant
en vacances à la maison, à la campagne, loin de tout, je ne me voyais
aucune chance de guérison au milieu du typhon assourdissant dans lequel
elles grandissent habituellement. Mon bureau est une sorte de nécropole
noire et sans fenêtre. Sur les murs sombres, j'ai dessiné le contour
de fausses briques rougeâtres, puis, à la bombe, j'ai tracé des slogans
virtuels comme dans le métro. J'y travaille seul, forcément, en compagnie
de trois écrans mais il y a trois autres bureaux, plus clairs, dans
cette grande cave hongkongaise. Il y a un studio de photographe occupé
par deux Chinois mais vide la nuit. Il y a un studio d'enregistrement
qui fait du canto-pop mais qui est très bien insonorisé; je n'ai pas
encore très bien compris combien de Chinois y dorment. Enfin il y a
le studio d'enregistrement de mon pote Denis qui joue du rock fort et
qui ferme jamais sa porte sauf quand il ramène une nana.

Il n'aimait pas ça quand j'allais
pisser Denis, ça se voyait sur son visage et au recul qu'il avait en
contemplant le mien. Ça m'adoucissait un peu le choc quand trois secondes
plus tard je passais devant le grand miroir de la salle de bain pour
aller m’écrouler, tremblant d'horreur et de fatigue, sur la cuvette
des W.C. Se voir laid est une expérience marquante ! Je me suis tout
de suite rebaptisé "Toxic Waste", c'est dire les dégâts
sur mon minois ! Des boutons, que dis-je, des bubons gonflés de pus
bourgeonnaient sur les plaques rougeaudes de ce qui avait été une
peau hâlée aux ridules charmantes et bien placées; des croûtes gerbantes
et jaunâtres se décollaient sur les ailes de mes narines jadis fines.
On aurait dit que mes sourcils avaient joué à la guerre des tranchées
et qu'ils étaient ennemis; ma capillarité limitée ne suffisait plus
à cacher la monstrueuse framboise qu’était devenu mon cuir ex-chevelu
et ma barbe de plusieurs jours ne camouflait toujours pas les grappes
muscats de mes joues devenues creuses. L'oeil livide, le teint atteint,
je m’efforçais de pisser en dodelinant du dos et lorsque j'y parvenais,
une intense brûlure me rappelait les joies d'une existence lointaine
et oubliée.

Mieux valait gésir.

Et puis, au soir du troisième
jour, gésir devenant monotone, j'ai cru périr.

Je me suis mis à haleter comme
un asthmatique en fin de marathon et bouger le petit doigt suffisait
à déclencher des quintes à n'en plus finir. Insuffisance respiratoire
! C'est normal, c'est de ma faute, dans mon inconscience j'avais arrêté
de fumer, ça ne pardonne pas. Je sombre. 

Trois anges sont arrivés.
C’était des anges tout blancs mais alors là où j'ai encore été
frustré, c'est qu'ils sont tous mâles les anges ! Et ils sentent le
désinfectant !

Par contre ils ne se déplacent
jamais sans leurs miracles, faut voir ça ! Y'en a un qui m'a collé
un truc sur le nez et paf, j'me suis retrouvé d'un coup dans les Pyrénées
! Si si ! L'air frais, la verdure, les clochettes de vaches et tout
!

Puis tout à coup, j’ai été
hissé sur le dos d'un éléphant ! Ça tangue énormément, les éléphants,
pire que les dromadaires à Pushkar dans le Rajasthan. Heureusement,
les anges m'avaient attaché avec une sangle sur ma drôle de selle
en forme de chaise. Et l’éléphant grimpait dans les Pyrénées,
l'air était vif, frais dans les sinus, une vraie ballade ravigotante
! Soudain, le truc bête, l’éléphant a fait un faux pas, je l'ai
senti s'affaler sous moi. Ma chaise s'est retrouvée catapultée en
avant comme une fusée, moi avec et j'ai juste eu le temps de mettre
mon bras gauche devant moi pour me protéger d'un gros météorite en
forme de marche qui m'arrivait en pleine figure. J'ai entendu comme
un craquement et c'est là que je me suis rendu compte que mon bras
gauche était en bois ! Comme Pinocchio ! J'étais devenu un arbre.
Les anges tiraient des gueules de damnés et le contraste m'a vraiment
fait rigoler. J'étais scié, ce qui les a aidé pour replacer ma souche
sur ma chaise à porteur. Ils m'avaient mis la branche en écharpe avant
de m'y resangler. L’éléphant s'est remis à grimper allègrement
la pente douce d'une dune; je me sentais heureux comme un roi mage bien
fait mais j'avais mal au bras.

Comme César, on m'allongea
sur un brancard; on m’a resservi les Pyrénées dans un tube mais
je me sentais un peu perdu, nauséeux pour tout dire. Le chauffeur de
l'ambulance avait mis son clignotant et s'enfilait dans la circulation.
La musique de Star Treck démarra au même instant dans le néon qui
s’était mis à pulser au plafond. Le néon ! Les pulsations du néon
me lançaient à gros bouillons des rayons blancs et marrons pire qu'une
douche ! Il y en avait tellement qu'ils finissaient par se rejoindre
dans une luminescence blanche d'une intensité tellement époustouflante
que j'en étais tout recouvert ! Mieux, je m'y enfonçais ! Happé !
Aspiré ! L'effet tornade blanche ! Ça s’accélère, de chaque coté
j’aperçois comme des diapos qui défilent et en y regardant de plus
près, je réalise qu'elles me concernent ces images, c'est moi, et
des gens que je connais, des clichés de ma vie qui passent à toute
allure. Pas mal comme documentaire ! C'est pas la BBC mais bon, c'est
juste pour moi, c'est pas à diffuser...

Mais... Attends !!!

Non !

La lumière blanche, ma vie
en seize millimètres ? Non ! Qu'est-ce que c'est que ce plan ?

Je vais pas me faire le coup
de casser ma pipe maintenant tout de même non ? J'ai pas fini mon bouquin
d'abord et puis c'est d'un original !

Bizarre, tout s'est immobilisé.
Je me sentais comme dans un roller-coaster virtuel, style TGV assis
sur le pare-chocs avant, et tout vient de se coincer du coup genre "freeze
frame" !

J’hésite, j'entends rien.
Qu'est-ce que je fais, je finis à pied ou quoi ?

Alors voilà, c'est tout ?
Il suffit de pas vouloir ?

Je passe devant un écran de
projection sur ma droite. Il y a une photo de moi dessus, c'est la première
fois que j'ai dégrafé le soutien-gorge d'une fille en Allemagne. Qu'est-ce
que j'étais rouge !

Mince alors, il n'y a rien
sur les cotés, juste la nuit et ça a l'air glacé. Je m'avance un
peu en croisant les bras pour me réchauffer et je me retourne. Toute
ma vie est là, devant moi, comme un ruban dans la pénombre infinie,
comme une bobine de film qui se dévide dans le vide. Je scrute la nuit,
peut-être apercevrai-je d'autres bobines ? Non, je ne vois rien, on
ne partage l’éternité avec personne d'autre que soi-même.

Ah attends voir, si ! C'est
bien une petite lueur là-bas, comme une bougie !

Je me mets à courir mais c'est
beaucoup plus loin que je ne le pensais. Je suis en nage, c'est pas
des trucs à faire avec la varicelle et une fracture au bras ! J'ai
l'impression d'avoir avancé pendant des heures quand j'arrive enfin
à comprendre de quoi il s'agit. On dirait un petit feu de camp et je
vois deux silhouettes accroupies en position du lotus, en train de se
réchauffer devant. C'est vrai qu'il fait froid ! L'air est vif comme
dans les Pyrénées ! Pourtant, c'est à bout de souffle que je m’arrête
devant ce feu bizarre que rien ne semble alimenter. Les deux hommes
me regardent sans mot dire, étrangement calmes. Le plus vieux des deux
est habillé comme Sean Connery dans "Le nom de la rose" mais
il a les cheveux longs et blancs comme dans "Le rocher". Le
plus jeune ressemble à n'importe quel baba cool sauf qu'il n'a pas
de guitare; il m'a expliqué plus tard que c’était à cause d'une
sale histoire de stigmates mal guéris.

Ils étaient en train de fumer
un gros pétard qui sentait fort. Je suppose qu'à leurs âges, on augmente
les doses...

- "Assois-toi donc, Nishou
!" me dit Sean Connery et les deux mecs se mettent à rigoler comme
des phoques. Ils sont complètement faits !

- "Mais oui mon doux Nishon,
fais comme chez toi !" rétorque le plus jeune en se tordant de
rire. Le vieux en pleure de joie !

Eh ben dis-donc, quelle ambiance
là-dedans !

- "Allez tire pas cette
tronche ! T'en a marre Nishmar de la mare ? Yiiiiaaarrrrkkkk yiark yiark
!" Le baba n'en peut plus...

-"Tu veux du haschich
Ninish" me demande-t-il en me passant l'oinj, tout secoué de fou-rire.

Il m’énerve mais je veux
bien ! Un pétard divin, c'est pas tous les jours...

-" Wouah ! Il arrache
!" m’exclame-je en toussant.

-"Ben ouais, on a qu'de
l'artificiel comme paradis, mais c'est du bon !" réplique le vieux
en se bidonnant.

Je le regarde estomaqué. Il
a raison, où est le paradis ? Je décide d’être prudent :

-"Alors comme ça, vous
existez vraiment ?"

-" Ben oui" me fait
Jésus "faut bien qu'y'en ait qui se dévouent mais on est pas
gâté !"

-" Vous c'est le père,
vous c'est le fils, mais où est le Sain d'Esprit ?"

- "T'en connais beaucoup
des feux sans combustible toi ? A part le feu au cul ?" Et les
voilà repartis à se marrer comme des otaries !

-"Et le Paradis ? Vous
n’êtes pas supposés en avoir un ? Qu'est-ce que c'est que cette
pénombre froide ?"

-"Ben c'est la nature,
fiston, qu'est-ce que tu crois, le cosmos ! Le paradis, il est là-bas,
c'est le ruban en Technicolor d'où tu viens, c'est ce que tu possèdes,
ce que tu as appris, choisi, vécu et créé. Tu croyais quand même
pas que quelqu'un allait s'occuper de t'en tailler un autre quand même
dis ? Et maintenant, tu as toute l’éternité pour digérer tes expériences.
La bobine t'appartient."

Soudain la strophe de Jacques
Brel "Les bons, bon, c'est périssable" prit toute sa signification.
Je me félicite de ne pas l’être.

-"Et l'enfer non plus
alors, ça n'existe pas d'avantage ?" ai-je demandé légèrement
déçu.

-"Bah, tu serais passé
derrière un écran de gauche, tu aurais sûrement aperçu une autre
petite lueur comme la nôtre; c'est l'autre moitié du Sain d'Esprit
que les hommes nomment pompeusement les "flammes de l'enfer".
Il y a un skinhead tout seul là-bas. Il est plutôt speedé mais il
te dira la même chose : l'enfer ? C'est là-bas, d'où tu viens, c'est
ce que tu t'es fabriqué etc."

-" Ben et vous ? Vous
servez à quoi ?"

-"Je te l'ai dit, il faut
bien qu'il y en ait qui se dévouent. C'est vous autres qui nous créez,
on est là pour vous puisqu'il vous faut des héros sur vos idéaux,
des bouc-émissaires sur vos craintes et des livres sacrés sur vos
morales. Ne venez pas vous plaindre ni nous prier, vous n'aurez que
ce que vous créez."

Mes épaules ont dû s'affaisser
un peu quand il a dit ça parce que le vieux m'a sourit avec un bon
air bien chaleureux au fond des yeux et qu'il m'a dit :

-" Faut pas que ça te
rende triste, fiston, ce qu'on vient de te dire signifie que c'est toi
qui possède le pouvoir de création, personne d'autre. Tu es bien plus
libre que nous qui avons besoin de vous pour exister !"

-" Mais qu'est-ce que
je fais là exactement ? Pourquoi j'me suis arrêté ici d'abord ? Qu'est-ce
que vous me voulez ?"

-"Toi ?" dit Jésus
en ricanant "mais tu es l'un des pires ! Ah, tu clames bien haut
que tu ne crois pas en nous mais toi aussi tu aurais bien voulu tomber
dans un petit paradis de Disneyland fait à la mesure de tes fantasmes
non ? Voyons voir… qu'est-ce qui t'aurait plu à toi ?

Eh bien ! Rien moins qu'une
foule en délire !? Ah ! Monsieur aurait voulu déclencher l’hystérie
des groupies à la moindre stridence de son instrument, rien qu'en secouant
sa longue chevelure !? Mais la tignasse est tombée sans qu'on ait appris
à jouer la moindre note de guitare n'est-ce pas ? Et on aurait bien
aimé trouver tout ça tout prêt ici, rien que pour soi, pour se consoler
de sa méchante mort qu'est même pas juste hein !? Ah ! Tous les mêmes
!"

-"Vous êtes sûr que
le skinhead d'en face n'est pas plus cool ?" dis-je en me tournant
vers le vieux, les larmes aux yeux.

-" Il t'aurait dit exactement
la même chose, qu'est-ce que tu crois ? On vient de te dire que le
Sain d'Esprit était là-bas aussi, t'as pas encore compris ?"

Chienne de mort...

-" Bien entendu je suppose
que ni vous ni lui ne possédez le pouvoir de faire un miracle pour
réparer mon bras cassé ?"

-" Ben non ! Faut pas
rêver ! Nous, on est des gentils, si on avait le pouvoir de guérir,
personne ne souffrirait jamais ! C'est vous qui nous écoeurez quand
vous créez le skinhead d'en face, faut pas croire ! On a même essayé
d'intervenir directement une fois ! Résultat : il a fallu que j'aille
rechercher Jésus moi-même ! Comme tu peux voir, il ne l'a toujours
pas digéré d'ailleurs. Après tout, lui aussi s'est pris pour un héros
avec une mission, et ça s'est plutôt mal passé pour tout le monde.

Quant au skinhead d'en face,
il est un peu comme toi, quand on lui passe le pétard, il le garde..."

-" Oh pardon !" dis-je
en rougissant "Je crois qu'il est éteint."

Je rends l'oinj au vieux qui
le rallume à la flamme du Sain d'Esprit.

-"Pff, Parlons... pff
pff sérieusement" reprend-il "c'est pas par hasard si c'est
toi qu'on a stoppé, tu es parfait avec tes airs à la d'Artagnan, ton
goût des quêtes et tout le bastringue de chevalier noir à la NishMan.
On nous avait prévenu, il parait que tu es quelqu’un qui choisit
toi ? C'est ce qu'on nous a dit en tout cas. Alors tu veux une 'tite
mission pour toi tout seul, c'est ça ? Topez la Messire, et une mission
divine pour Monsieur, une !"

Les voilà qui se remettent
à rigoler... En fait de mission divine on dirait plutôt une émission
crétine !

-" Voilà le problème
: on en a ras le bol, Jésus et moi, on veut un desserrement de la morale
judéo-chrétienne ! Il n’y aura bientôt plus que nous de toute façon
à donner un exemple dont les gens se foutent. Y'en a marre ! Y'a pas
d'raison, nous aussi on veut s'amuser, on veut niquer et tout, comme
les vieux satyres gréco-romains. Sinon c'est simple, on se met à tout
faire comme vous. On se syndique, on fait des grèves, des manifs, des
déluges, des éruptions et des apocalypses. Vous nous faites bosser
24 heures sur 24 et le seul jour où on est censé se reposer, le dimanche,
vous braillez chez nous dés le matin et dans NOS églises qui résonnent
tellement d'ailleurs qu'on entend même plus la télé ! Et avec les
décalages horaires, vu qu'il a encore fallu qu'vous alliez prêcher
partout, ça dure 24 heures ! Tout l'week-end y passe ! Et le lendemain
c'est reparti avec vos processions barbantes, vos confessions qui nous
excitent pour rien, vos enterrements qui nous foutent les boules, vos
baptêmes plein de braillements discordants, vos flagellations dégueulasses,
vos confirmations de pucelles boutonneuses et de jouvenceaux branleurs,
vos mariages religieux pompeux et prétentieux, vos communions complètement
solennelles, vos bénédictions à la con, sans parler des grandes orgues
et des marches funèbres ! Assez ! On vous a rien demandé, fichez-nous
la paix !

Autrement dit, Jésus et moi,
on est à bout, alors soit tu accomplis la mission qu'on va t'expliquer
soit ça va être le gros boxon chez toi dans pas longtemps. Faut nous
laisser une soupape de sécurité ou ça va péter et il pourrait vous
arriver des bricoles !" 

Il a l'air sérieux ! Il a
les yeux rouges et globuleux, la barbe hirsute, il me fait son numéro
de Dieu le Père quoi ! Impressionnant vu de près quand même.

-" Bon bon ! Qu'est-ce
que vous voulez alors ?"

Jésus prend la parole.

-"Nous ne voulons qu’améliorer
notre droit le plus strict : le droit de cuissage; ne fais pas cette
tête-là, c'est un droit que vous nous avez concédé vous-mêmes.
Vos nanas, on n'y a jamais touché nous, contrairement à certains autres
dieux que je ne nommerai pas; nous, à part Joseph - mais entre nous,
quoique menuisier, il ne valait pas un clou au lit, on ne vous a jamais
cocufiés, on a toujours été cools et respectueux. Mais les religieuses,
elles sont à nous ! C'est vous qui nous les avez données d'ailleurs,
on n'avait rien demandé, on pensait même que vous aviez choisi d’être
monogames mais bon, si vous voulez gaver vos dieux quand même à coup
de couvents pleins de chasteté, on allait tout de même pas refuser
l'offrande ! On est des dieux nous autres, pas des petits saints !

Seulement voilà, les prêcheurs
du Vatican et surtout ceux du Texas prennent leur boulot en Asie beaucoup
trop au sérieux à notre goût. Convertir ! Ils ne pensent qu'à ça
! Ils ne leur disent rien aux Chinois, ils leur apprennent quedalle,
que "priez, vous vous sentirez mieux". Forcément, vu le vide
intellectuel de la majorité, ils arrivent quand même à faire des
dégâts mais alors faut voir le recrutement chez les bonnes soeurs
! C'est nunuches et compagnie ! On veut bien être polygames puisque
vous nous faites épouser toutes ces bonnes soeurs de force; mais franchement,
il y a des fois, on aimerait tout de même avoir notre mot à dire !
On veut bien déniaiser mais il y a des limites à la niaiserie ! C'est
bien simple, on peut plus les supporter, les saintes nitouches ! Pourtant
elles sont mignonnes nos épouses asiatiques quand elles sont à genoux
à nos pieds... si elles savaient faire autre chose qu'y prier !

Alors voilà, ta mission est
tout ce qu'il y a de plus peinard, il n'y a pas de risque et c'est glorieux
à souhait : Quand l'envie nous en prend, nous autres, on fait comme
tout le monde, on monte à Paris voir quelques-unes de nos épouses
dans un petit lupanar privé et discrètement nommé "Chez Madame
Lolita". Régulièrement, il y a des arrivages de bonnes soeurs
asiatiques en provenance de Hongkong. Elles sont vraiment bandantes
et Lolita, qui est une mère supérieure d'enfer, essaie bien de nous
les chauffer en leur distribuant des dildos en forme de crucifix à
l'effigie de leur époux histoire de les dérider un peu avant qu'on
fasse tous la fête ensemble mais bon... non, y'a rien à faire, elles
se mettent à prier avec, c'est désolant.

Tiens, prends ce livre. C'est
"La Religieuse" de Diderot; ça nous a semblé approprié
comme titre. Chaque coin de page a été imbibé d'un mélange composé
des meilleures essences qui servirent lors des orgies romaines, aux
luxures de la cour des pharaons et aux extrêmes raffinements de l'Empereur
du ciel. C'est ce qu'on trouve de mieux comme aphrodisiaque à l'heure
actuelle. Tu vas retourner chez toi, à Hong Kong, où tu dissimuleras
chaque coin de page dans des hosties que tu distribueras aux religieuses
en partance pour "Lolita", avant leur embarquement à l’aéroport.
Qu'elles nous arrivent émoustillées un peu, nom de Nous ! Il suffira
que tu leur présentes cette toison pour qu'elles fassent tout ce que
tu leur diras."

-" Qu'est-ce que c'est
que ça ?"

-" La toison de la Pucelle
d’Orléans, scalpée à vif par son propre bourreau avant qu'il y
boute le feu. Il te suffit de la montrer pour que les cuisses de tous
les couvents du monde s'ouvrent à toi. Fais gaffe, c'est carrément
magique comme effet et on meurt vite d’épuisement si on ne fait pas
attention. De plus elle perd ses poils. Tiens, prends-la mais je compte
sur toi pour me la rendre quand tu repasseras." dit Jésus en me
tendant la chose avec un clin d'oeil.

-" Alors si j'ai bien
compris vous voulez que j'aille droguer de pauvres gamines chinoises
avant leur embarquement pour quelque sombre bordel parisien de bas étage
où vous pourrez les abuser à l'aise ?! C'est bien ça ?"

-" N'oublie pas que ces
pauvres filles sont nos épouses !"

-"Mais enfin, le christianisme
est une religion monogame !"

-"Et monothéiste, la
preuve !" ricane le vieux dans son coin.

-"Monogame pour vous,
pas pour nous ! Toutes les bonnes soeurs nous font voeu de fidélité."

-"M'enfin, et la morale
judéo-chrétienne !"

-"Tu veux encore que je
te scanne la tête ?" dit Jésus en me regardant fixement, l'air
lourd.

-"Non, non, ça ira, c'est
bon ! M'enfin c'est dégueulasse quand même ! Elles ne vous connaissent
même pas ces nanas ! C'est même plus du proxénétisme, c'est de la
traite de religieuses et à la solde de Dieu encore ! Quelle honte !
Les Conquistadores vous ont pas suffit !?"

-"Eh bien justement !
En quoi ça te gène, puisque c'est Dieu qui te le demande !? Ça a
toujours justifié n'importe quoi, ça, comme argument ! On fait pas
mieux comme excuse ! Quant aux religieuses, elles nous portent toutes
dans leur petit coeur ! Elles nous ont dédié leur vie et elles pensent
à nous tous les soirs avant d'aller au lit !"

-"Mais pour vous prier
! Pas pour vous sucer !"

-"Eh ! On est des patriarches
nous autres ! Relis les Testaments, fiston, les épouses, avec nous,
elles obéissent submissivement, non mais alors !"

-"C'est pas la peine de
discuter, j'crois pas en vous, moi, d'abord ! Je fais c'que j'veux,
j'ai MA morale à moi ! Démerdez-vous avec votre clergé !"

-"Le Pape !?" s'exclame
Jésus en sursautant d'effroi.

-"Allons allons, ne t'énerve
pas fiston, bien sûr que tout le monde a sa propre morale, surtout
dans notre religion, mais tout le monde a son prix aussi n'est-ce pas
?" fait le vieux en souriant "Tu n’écoutes jamais la parole
divine. Tu as tort. Est-ce que Jésus n'a pas laissé la toison magique
à ta disposition jusqu’à ta mort ? C'est pas un beau cadeau ça
? Tiens moi aussi je vais t'offrir un super gadget. Je t'autorise à
apprendre la recette de l'aphrodisiaque. Si si, c'est de bon coeur !
Vas-y, lis cette page de mon grimoire. Avec ça, tu es paré pour toutes
les situations !"

-" Vous m'ouvrez la porte
de tous les couvents du monde ?" ai-je demandé abasourdi en m'emparant
du parchemin moisi qu'il me passait.

-" Bravo ! Tu comprends
vite mais il faut t'expliquer longtemps. C’était bien l'un de tes
fantasmes non ? Alors, elle te plaît mieux notre petite mission divine
maintenant ?" ricane Jésus, en me regardant, accroupi derrière
les flammes du Sain d'Esprit, l'air sardonique au milieu de la fumée
de son gros pétard.

Un sourire tout aussi diabolique
s'est alors dessiné sur mon visage et ne l'a plus quitté depuis. Accès
aux couvents !? Hé hé hé !

-" Je crois que nous allons
nous entendre. Mais comment je fais pour rentrer ?" dis-je en m'emparant
de "La Religieuse" et de la toison.

-"Facile !" fait
Sean Connery en sortant une commande à distance des pans de sa capuche
"Il suffit de presser "REW" ! Retourne entre les écrans
de projection et attends. Bonne chance, Nishtroumpf, amuse-toi bien
mais acquitte-toi de ta mission !"

Je suis reparti d'où j'étais
venu et eux d'un éclat de rire... 

Une douleur soudaine à mon
biceps droit me force à ouvrir les yeux. Je mets un moment à me remettre.
Tout est blanc autour de moi ! Est-ce le paradis des anges maintenant
? Beuh non ! On dirait plutôt un hôpital... c'est un hôpital ! Rien
qu'à sentir l'odeur !

D'ailleurs j'ai un plâtre
qui m'enveloppe le bras gauche. Ah d'accord ! Je ne me suis rendu compte
de rien ! Je suis resté combien de temps dans le coltard moi ? La zone
! J'ai carrément rencontré Dieu ! N'importe quoi Pascal ! Que cela
reste entre toi et moi, ça fait un peu ridicule tout de même pour
un hérétique, le coup de la mission divine et tout. Radical la varicelle
! Le mega-délire en VRML ! Non mais vraiment !

Bon, mais s'ils m'ont plâtré
le bras gauche, pourquoi est-ce que j'ai si mal au bras droit alors
!?

Je jette un coup d'oeil ! Merde,
non c'est pas vrai ! Ils ont dû vouloir prendre ma tension mais je
ne sais pas où est l’infirmière, le machin est toujours en train
de se gonfler et ça me broie le biceps ! Aie ! Ça fait vachement mal
! Help ! Je me mets à hurler comme un perdu et l’infirmière qui
était en train d'embrasser le téléphone se retourne soudain l'air
affolé ! Elle raccroche et se précipite vers moi.

-" Oh pardon ! Je vous
avais oublié !" dit-elle en appuyant sur le bouton de décompression
de son engin à tension.

Elle s'approche de moi pour
me retirer le brassard et une vague odeur marine me remonte au narines.
Ah ben je vois de quoi elle causait au téléphone ! Ça devait sûrement
être son petit copain qui lui racontait des cochonneries encore...
Y'en a marre du service médical à HongKong. Tous les bons toubibs
se sont cassés au Canada et apparemment ils ont emmené leurs meilleures
infirmières avec eux, au lieu de leurs épouses.

En attendant, j'ai le bras
tout mauve ! C'est à peine si j'arrive à le bouger. Mon infirmière
qui sent toujours comme une sirène algueuse revient y appliquer de
la pommade assez longuement pour que les effluves bretonnes qui remontent
de sous sa blouse me donnent envie d'y passer la main. Hélas, je n'ai
plus assez de bras valides.

La crème me fait du bien.
Elle me chauffe le muscle qui se détend. On m'a fait avaler des comprimés
qui ont calmé ma respiration saccadée. Ça va mieux, je respire à
l'aise, sans tousser. Je récupère mes sachets de médicaments, mon
rendez-vous pour la semaine suivante, j'attrape mon sac et ma sirène
des grands fond m'aide à monter dans un taxi. J'aimerais m'appeler
Coustaud mais je rentre à mon bureau.

Arrivé devant ma cave, en
gémissant un peu, je plonge la main dans ma besace en cuir pour récupérer
mon portefeuille et payer le chauffeur. Mais... tiens, mon portefeuille
n'est pas en cuir de sanglier sauvage ! Qu'est-ce que c'est que ce truc
poilu ! Je tire en faisant gaffe de ne pas me faire mal au bras. Qu'est-ce
que c'est que ça !?

J'ai dû rester stupéfait
un long moment parce que le chauffeur, pensant sans doute que je n'avais
pas de quoi régler la course, m'a encouragé à aller "sucer le
con de ma mère" comme ils disent par ici...

-" C'est pas celui de
ma mère, c’est celui de Jeanne d’Arc !" dis-je en lui jetant
vingt dollars avant de replonger la main dans mon sac, pris d'un doute
affreux. Oh ! Il y est ! Je tire un peu pour lire le titre mais je sais
déjà ce que je vais lire sur la couverture : "La Religieuse"
- Diderot.

Je titube un peu en descendant
du taxi qui repart en trombe et c'est en planant à moitié que je réintègre
mes pénates, mes tags et mon matelas. Là, je pose la toison de la
Pucelle d’Orléans d'un coté, le livre de Diderot de l'autre et j'essaie
de faire le point.

On se calme ! On positivise
! On relativise ! On objectivise ! On ne se jette pas sur d'hâtives
conclusions ! Yin, à l'aide ! Yang, au secours ! Ah non, c'est vrai,
ce ne sont que les deux représentations opposées qui complètent un
soi-disant Sain d'Esprit créé par l'homme. Alors Dieu existe ? Je
LES ai rencontrés ? Moi ? Un hérétique qui se pique d’éthique
!? Dieu serait une sorte de gaulois grivois qui fume le pétard et qui
baise !? Devant son propre fils ? Et c'est le Sain d'Esprit qui sert
de chandelle ? Non allez ! Un peu de sérieux ! J'ai rien contre mais
c'est sûrement un coup de la varicelle, ça, encore ! Le délire eh
!

Mais et ces machins là ? D'où
ça sort !?

Qu'est-ce qu'elle était poilue
Jeanne d'Arc d'ailleurs, c'est dingue ! Elle avait la fourrure rêche
mais drôlement longue, comme ses moutons sans doute ! J'approche la
toison de mon nez et j'aspire un coup. Oh c'est très éventé mais
je détecte encore une vague et lointaine odeur d'huile à armure. Jeanne,
en bonne grognasse, devait être à poil sous sa cuirasse ! Ah si j'avais
su ça quand j’étudiais l'histoire à l’Université du Maine !
Quel scoop !

Je m'empare du bouquin relié
et je l'ouvre au hasard pour en observer attentivement un coin. Oui,
y'a pas à tergiverser cent sept ans, ça a été trempé dans quelque
chose de liquide; ça a fait un effet buvard et il y a une petite marque
sombre dans chaque coin. Je goûterai bien un coup histoire de vérifier
mais si la varicelle me brouille la libido, il doit y avoir une raison,
vaut p'têt mieux pas, j'ai pas la santé pour en ce moment... merde,
ils auraient quand même pu se fendre d'un petit miracle quand même,
quels flemmards ! J'aimerais bien pouvoir essayer tout de suite.

Je me marre tout seul; voilà
que je me mets à y croire maintenant ! Moi, Nish Man, je vais pouvoir
me faire toutes les bonnes soeurs que je veux ?

Non mais ça va pas bonhomme
!? C'est la fièvre qui t'a remis sur ton éléphant ?

Ben oui, mais ces objets ?
Ils sortent de la cuisse de Jupiter peut-être ? Diderot, je suis certain
que j'en avais pas avant et c'est pas l'hosto qui m'aurait refilé ça
en douce, et en français encore ! En plus il y a les marques à chaque
coin de page, comme prévu dans le rêve. Et ça !? C'est pas une perruque
quand même ! Les poils sont tout bouclés mais c'est pas un bout de
laine non plus et puis même, ça sortirait d'où !?

Je suis bien ennuyé. J'ai
les pieds sur terre ! Je suis Français quoi ! Cartésien ! Pascalien
même de naissance ! Ah oui, mais Pascal croyait en Dieu... Mais justement
! Pas un dieu comme ça ! Qu'est-ce qu'il en aurait pensé Pascal si
Dieu lui avait demandé de doper des bonnes soeurs aux aphrodisiaques
hein ? C'est pire que Rabelaisien comme situation ! Et ça peut pas
exister, pas plus que les déluges d'urine de Gargantua !

Ah mais je sais pas quoi faire.
D'un coté, j'aimerai bien y croire quand même, hé hé, tous ces voiles
à soulever, toutes ces chevelures à dénouer, ces corps à dénuder,
à caresser, pour la première fois sous le regard et la main d'un homme,
hmmm ! M'enfin c'est pas très moral... Ah si, ça l'est puisque c'est
pour l'amour de Dieu. Mouais, mais un dieu auquel je ne crois pas. C'est
peut-être défendable selon la morale judéo-chrétienne qui s’adapte
partout mais pas forcément selon la mienne. La mienne ? En quoi est-ce
que je crois alors ? Qu'est-ce que je trouve de choquant à faire l'amour
avec une religieuse d'une religion à laquelle je ne me sens pas affilié
? Tiens oui, si elle en a envie et moi aussi, c'est même plutôt excitant...

"Si elle en a envie..."
? Et je possède la toison magique et l'aphrodisiaque idéal !? Elles
en auront TOUTES envie alors ! Hmmmm... "C'est à moi de créer
mon propre paradis", c'est bien ce qu'il m'a dit l'autre là-haut
!? Et il m'en a donné les moyens, et même l'excuse absolue quant à
la morale universelle !

Alors pourquoi j’hésite
? Ma propre morale n'y voit pas d’inconvénient ! C'est mal de profiter
d'une situation pour son propre avantage ? Ben, c'est même pas seulement
à mon propre avantage, c'est Dieu qui m'a demandé de lui donner un
coup de main, les religieuses le désireront aussi dés qu'elles auront
avalé l'hostie et vu la toison et elles ne s'en trouveront pas plus
mal après au contraire puisqu'elles vont avoir l'occasion de consommer
leur mariage avec l’époux qu'elles se sont choisies. Pourquoi devrais-je
m'en vouloir de mon propre plaisir franchement hein ?

Bon, OK, OK, ma libi...euh
conscience est moralement justifiée, mon inconscient je n'en sais rien
mais selon Freud, sûrement, alors c'est bon, ça roule !

Putain de varicelle ! Si je
n’étais pas dans cet état-là, je pourrai essayer tout de suite
! Seulement voilà, j'habite dans un quartier juif et il n'y a que la
synagogue à coté de chez moi ! Ça va pas marcher. Ah ! Il faut que
je sache ! Peut-être qu'en léchant légèrement le coin d'une page
j'arriverai à me rendre compte si c'est bien aphrodisiaque. Ça ne
devrait pas être trop risqué quand même... Hmmm, pas très prudent
m'enfin allez merde, ma jeunesse est en train de s’écouler, j'ai
pas l’éternité moi, j'y vais !

Je donne un léger coup de
langue dans le coin supérieur droit de la page 125. Ça n'a aucun goût.
Je referme le livre, je m'allonge, relax, et j'attends la montée des
effets.

En moins de trente secondes,
j'ai les pommettes en feu et j'assiste au miracle d'une véritable résurrection
dans mon Eminence ! Je sens des flots d’énergie raviver tous mes
membres ! Je bande ! Mon Dieu ! Merci ! Je bande ! Une semaine que ça
ne m’était plus arrivé ! Je finissais par angoisser ! Ah ! Je n'en
peux plus ! Il faut que j’expérimente ! Une bonne-soeur ! Je veux
une bonne soeur ! Mon bureau pour une sainte femme ! Une sainte femme
sur mon bureau ! Je m'affole ! Je ne sais même pas où trouver un couvent
moi ici ! L’aéroport ! C'est là qu'ils m'ont dit qu'elles partaient,
leurs nunuches asiatiques ! Allez, je me fais la salle des départs
! Avec un peu de chance je tomberai sur un groupe de pingouins ! En
route !

Sans m’inquiéter davantage
de l'effet que mes repoussantes pustules risquaient d'avoir sur les
religieuses puisque j'avais ma toison et mon livre de Diderot, j'attrape
un taxi après être passé à la boulangerie casher du coin pour acheter
du pain azyme.

-"A l’aéroport s'il
vous plaît !"

Pendant la course, je confectionne
des hosties avec les coins des pages de "La Religieuse" et
le pain azyme que je fourre dans le plâtre de mon bras gauche. Il s'agit
d’être prêt !

Arrivé devant les portes de
la salle de départ je règle le taxi et, après avoir rajusté tant
bien que mal mon pantalon gonflé, j'entre dans la salle d'attente en
la scrutant déjà des yeux, à la recherche de passagers noir&blanc.
Bingo ! Ah... non, merde, c'est un prêtre à la buvette. Oh mais attends
! Il emporte un plateau chargé de gobelets... je le suis des yeux...
ça y est ! Bien vu ! Les gobelets sont pour un groupe de bonnes soeurs
qui caquettent dans un coin de la salle d'attente. D'ailleurs ce n’était
pas un prêtre que je suivais des yeux, avec la robe je me suis planté,
c'est bel et bien une religieuse, elle aussi ! La vache ! Ils les recrutent
chez les Marines maintenant ou quoi ?! Il va falloir que je fasse un
peu de sélection moi quand même !

Je vais m'asseoir l'air innocent
sur l'un des sièges en plastique moulé et, de mon bras encore à peu
près valide, je sors la toison magique de ma poche. Oui, mais qu'est-ce
que j'en fais ? Je peux pas à la fois distribuer les hosties en les
prenant dans mon plâtre et brandir la toison de la Pucelle ! Bon sang
mais c'est... je n'ai qu'à la coincer dans ma braguette ! Ouais, bonne
idée ! Elle sera bien en vue comme ça ! Allez ! Personne ne me regarde
? Bon, zip, zappe ! Ça y est, elle est bien coincée là !

J'y vais !

Je me lève un peu fébrile
et je m'approche du groupe de demoiselles. Y'en a des mignonnes ! Ils
sont adorables, ces visages de jeunes Chinoises sous le voile sombre
et sobre de leur habit. Qu'est-ce que je leur dis ?

-" Ahem, j'ai un message
de Dieu pour vous Mesdemoiselles, si vous voulez bien observer ma braguette
magique..."

Ben oui, c'est assez lourd
je sais, n’empêche que par réflexe, tous les regards se sont baissés
sur la toison d’Orléans. C'est ce que j’espérais.

Ah comment décrire l'impression
merveilleuse que j'ai ressentie en voyant le charme opérer sous mes
yeux ! Un sentiment de bonheur incroyable, le feeling d'avoir le pouvoir
de changer les choses, les gens et même les bonnes soeurs, d'avoir
la faculté d'ouvrir leur esprit au plaisir. Et c’était bien ça,
Dieu m'avait confié un peu de sa puissance. C’était sympa de sa
part !

Mais il a fallu que je réagisse
bien vite ! Elles m'ont ramené darre darre à la réalité les chéries
! Elles se sont toutes agenouillées en même temps à mes pieds et
ce n’était pas pour prier ! Elles voulaient baiser ma toison ! En
pleine salle d'attente ! Ah c’étaient des dévotes, il n'y avait
rien à leur reprocher là-dessus, des dévotes voraces même ! C'est
un miracle que personne ne se soit plaint quand, ne trouvant rien d'autre
à faire, j'ai couru vers les toilettes pour hommes et pour m'abriter
des regards qui commençaient à darder de toute part. Elles m'y ont
toutes suivi, marmonnant des prières en se traînant à genoux derrière
moi ! J'avais beau être moi-même assez chaud, je ne me suis jamais
autant senti gêné de ma vie !

-" Une par une !"
leur ai-je crié.

Je laisse entrer une des furies
avant de refermer la porte des W.C.

-"Les autres, faites la
queue et cessez ces ululements, on va se faire repérer !"

Dans les toilettes, deux hommes
d'affaires occupés devant les urinoirs écarquillent les yeux en voyant
ma religieuse.

-" Ne vous inquiétez
pas" leur dis-je "faites comme si on n’était pas là, c'est
pour la bénédiction des latrines, il n'y avait plus de prêtre de
libre alors on fait comme on peut."

Les deux types ne prennent
même pas le temps de s’égoutter, ils sortent des lieux d'aisance,
une auréole devant le pantalon. On nage dans la sainteté ma parole
!

Il faut dire que ma bonne-soeur
n'en peut plus. Elle bisouille tellement la toison magique accrochée
à ma braguette qu'on dirait un pivert picorant son tronc. D'ailleurs,
en parlant de tronc... il serait temps que je lui donne son hostie pendant
que j'y pense encore ! Je ne prends même pas la peine de la relever,
je pose l'hostie sur la toison lors d'un de ses reculs et j'attends
que sa tête revienne. Elle engloutit le pain azyme sans même s'en
rendre compte ! Une vraie goulue !

Et c'est là ... je sais, j'aurais
dû attendre d’être complètement remis de ma varicelle mais qu'est-ce
que je pouvais bien y faire, ce visage innocent, angélique même, qui
allait et venait devant mon pantalon, ces lèvres qui embrassaient frénétiquement
les poils de Jeanne, cette bouche qui engloutissait d'un coup toute
la blancheur de mon hostie ronde et ferme, sans parler du coup de langue
que j'avais moi-même donné à l'aphrodisiaque, tout cela m'a, je le
confesse (quel mot vulgaire !), tourné la tête. Et puis j'avais la
permission des dieux et puis je voyais bien que l'hostie commençait
à monter et à faire son effet sur la belle envoilée... Bref, j'ai
un peu tiré sur mon pantalon, l'air de rien, en sifflotant, et je l'ai
laissée engloutir... euh...

Ben quoi !? Le porc n'est pas
interdit à la consommation chez les Chrétiens que je sache !?

C'est à ce moment-là que
j'ai compris pourquoi Dieu m'avait vanté les vertus de son aphrodisiaque,
j'étais devenu capable d'avoir des orgasmes multiples et répétés
! Tout le groupe y est passé ! Même la G.I moustachue que j'avais
prise pour un mec ! J'aurais dû m'en douter, Dieu multiplie bien les
petits pains alors les orgasmes, tu parles ! Les doigts dans le nez
qu'il les multiplie !

Seulement, avec cet aphrodisiaque
d'enfer, plus j'en avais, plus j'en voulais. Y'avait rien à faire pour
m’arrêter de libidiner ! Je me suis mis à aller à l’aéroport
tous les jours ! Comme Dieu, "Chez Madame Lolita", devait
être content de mes services et que, comme moi, il m'avait semblé
avoir un penchant certain pour les Asiatiques, il y avait maintenant
des départs quasi quotidiens. Les groupes comptaient de plus en plus
de religieuses et, au fur et à mesure, je pouvais noter un rajeunissement
de l’âge des heureuses élues du ciel. Les prêcheurs devaient avoir
du boulot pour assurer la production et il me semblait bien que rien
ne les arrêterait et qu'ils se mettraient bientôt à convertir dans
les écoles maternelles... cela m’inquiétait un peu et j'allais d'ailleurs
envoyer un e-mail à Dieu à ce sujet. Ma morale, qu'est-ce que j'y
pouvais, ne se laissait jamais transgresser.

Bref tout marchait comme sur
des roulettes et bien qu'assez crevé quand même, je remplissais ma
mission divine, un grand sourire aux lèvres, dans une humeur que je
ne m’étais jamais vu quand, bien sûr, il a fallu que les keufs s'en
mêlent ! Ceux-là, ça ne loupe jamais, dés qu'on s'amuse un peu en
rendant service, ben faut qu'ils viennent mettre leur nez où il faut
pas et qu'ils se lancent dans des interprétations dignes des contes
d'Andersen en plus corsé !

N'importe quoi ! Mais alors
le méga délire ! J'arrive pas encore à croire le flic qui m'a lu
l'acte d'accusation qu'il a l'intention de me forcer à signer ! C'est
à se rouler par terre une imagination pareille ! D’après lui, défoncé
moi-même au point de porter à ma braguette une fausse toison pubienne
découpée dans une vieille perruque, j'aurais drogué des religieuses
en partance pour divers pèlerinages et séminaires, puis je les aurais
attirées dans les W.C pour hommes sous prétexte de leur faire dédicacer
un livre intitulé "La Religieuse". Là je les aurais abusées
sexuellement avant de remplacer leur billet d'avion pour un autre vers
Paris, où, disent-ils, un réseau de trafic d'esclaves religieuses
judéo-chrétiennes ravitaillant le Yémen du Sud aurait été démantelé.
Les pigs ont même eu le culot de prétendre que j'avais été dénoncé
après qu'ils aient cuisiné les deux chefs dudit réseau, deux hippies
bien connus des Brigades Mondaines. Je me marre encore...

Hélas ils en font autant quand
je leur raconte la Vérité... 

Mon Dieu ! Ayez pitié de moi
! C'est le moment où jamais !