Ride the World in Style

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Kawasaki W650

Welcome to my nightmare

Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish

samedi 30 janvier 2010

Nish Man - Manali 02



-“Mais comment t’es-tu
retrouvé sur la route toi ?” me demande Eddie en préparant son mélange
sous son duvet.


Hum, pas facile de répondre
à une question pareille.


-“Et toi ? Comment t’y
es-tu retrouvé ?”


-“Oh moi, j’habite dans
un squat avec ma copine depuis deux ans mais il ne se passe pas grand-chose
dans mon village alors j’ai eu envie de voyager. Ma copine, ça ne
lui disait rien alors je suis parti tout seul. D’abord l’Inde, le
Népal, puis une escale à Dacca avant de me poser en Thaïlande. Là,
j’ai appris que je pouvais faire un peu de fric à Hong Kong alors
j’ai pris l’avion et je me suis retrouvé à Chung King Mansion.
Le reste, tu le connais déjà. Mais tu n’as pas répondu à ma question.”


-“C’est difficile de dire
ce qui m’a poussé à voyager puis à quitter la France. Ça ne s’est
pas passé du jour au lendemain. J’avais pas mal voyagé déjà avec
mes parents, oh bien protégés, c’était pas l’aventure, juste
des voyages organisés mais ça m’avait déjà bien plu. C’était
ensoleillé. En général je suivais le groupe et mes parents de loin
et ça se passait plutôt bien. Et puis chaque année on m’envoyait
en Allemagne dans une famille teutonne histoire d’aiguiser mes umlauts
et d’apprendre la liberté à ma manière.


Le déclic, en fait, a dû
se produire le jour où, assis sur la maigre banquette de ma 2CV, j’attendais
que ma chère compagne ait terminé de vider notre compte en banque
en feuilletant le dernier numéro d’Actuel que je venais d’acheter.
Comme d’habitude, je commençais par regarder les photos avant de
commencer toute lecture et soudain, au détour d’une publicité, je
suis tombé sur une débauche de plages, de cocotiers et de huttes en
bambou. Goa ? Tiens, c’est pas plutôt une étape du Paris-Dakar ?
Je croyais que c’était en plein désert ? Ah non , ça c’est Gao
!


Le type qui avait rédigé
l’article était encore sous le coup de la surprise et de l’émotion
de sa découverte ou de son dernier joint parce que c’était si bien
écrit que ce fut comme une illumination. Dévoré d’une passion soudaine,
secouant presque ma 2CV verte à force d’y trépigner, je me mets
à arracher les phrases du type des yeux et tout ce qu’il écrit et
décrit me plaît, m’attire et me réchauffe. Je relis l’article
juste pour prolonger la sensation de bien-être que j’en retire puis
je referme le mensuel en me détendant sur le dossier de mon siège.
J’ai la tête pleine de soleil et de tristesse.


La petite pluie sarthoise dégouline
sur mon pare-brise étroit et les bâtiments administratifs du centre-ville
imposent leur mélancolie grisâtre et collante aux passants qui s’évitent
en se croisant sans se regarder. J’en frissonne de dégoût, je déteste
ce patelin ! Ces visages blêmes, ces mines découragées, comme la
mienne peut-être, le pas traînant des chômeurs ou des ouvriers aux
cheveux sales, ces mémères lasses qui se négligent ou ces paysans
à la trogne obtuse qui viennent faire leurs courses au bourg, ils me
paniquent tous, je ne veux pas leur ressembler ! Mais pour éviter ça,
il faudrait partir…


Quel ennui ! Dans quelle petite
vie poisseuse suis-je en train de m’engloutir ? 21 ans et déjà l’impression
d’avoir atteint le bout de la jeunesse, 21 ans et ce goût d’amertume
dans la bouche, tous les matins, c’est normal ? C’est acceptable
? Je suis censé rien dire ? Faire comme si ça n’était rien ? Faire
comme tout le monde ? A quoi servent mes cheveux longs, cette attitude
un peu dingue que je cultive, mes petites provocs de punk frustré,
tous mes oripeaux de marginal de province, hein, ils sont là pour quoi
exactement ? Mon ego en a marre de ces ersatz de liberté; plus la tension
monte en moi moins j’arrive à me contrôler. En province, c’est
toujours la même histoire, rien n’a changé depuis  Madame Bovary,
la vie, la vraie réalité, n’est toujours dispensée que par le cinéma
et la télé; par les livres aussi. Il ne se passe jamais rien, alors
il faut bien peupler le vide avec des héros, des gens à qui il arrive
des aventures, qui ont une vie, qui, même, semblent en être les maîtres.
Il suffit de choisir son camp : Zorro ou Bonnot ? Pas paysan, pas ouvrier,
et pas prof non plus non, rien, ou plutôt mendiant ou vagabond, plutôt
la liberté. Je voudrais balayer les trottoirs de la médiocrité environnante
et puis je pourrai muer. L’autre jour, j’en avais eu tellement marre
de cette angoisse sourde et indéfinissable, tellement assez de tourner
en rond dans cet appartement tout confort avec sa moquette, son papier
peint, ses plantes vertes, la télé, la copine dans la cuisine, la
bagnole dans le garage, la famille dans le quartier voisin et les nouveaux
copains auxquels on ne trouvera plus rien à dire dans six mois parce
qu’il ne se passe jamais rien, les vieux amis qui changent et qui
se rangent, tellement plein le cul de tout cet ordre qui se met en place
tout seul sans qu’on ait rien fait pour, que demander, remplir ici,
signer là et attendre là-bas, gentiment.  Je ne me supporte plus
moi-même ! Je suis le mouvement aussi, je ne devrais pas me plaindre
!





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