Ride the World in Style

Ride the World in Style
Kawasaki W650

Welcome to my nightmare

Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish

samedi 30 janvier 2010

Nish Man - Heidi



Heidi 


Jeudi soir, j'avais cours avec la classe
d'Heidi, un groupe de débutants composés de quatre filles et d'un
garçon d'une vingtaine d'années. Heidi n'était pas là. Je m'en doutais
un peu...


Heidi est une nana un peu bizarre. Elle
me rappelle un peu ces filles dans les dessins animés japonais : des
visages d'enfants avec de grands yeux sur des corps de jeunes filles
plutôt attirantes et sexy. Sauf qu'elle fait plus prolétaire Heidi.
Elle a la peau très pale, veinée, elle est tout fluette et ses yeux
ont l'intensité d'une chaudière à émotions... mais peut-être ne
sont-ils comme ça que lorsqu'elle me regarde. Elle a vingt ans.


Son anglais est lamentable mais elle
a commencé, dés le début de l'année, à m'envoyer des e-mails pleins
de petites provocations mutines auxquelles j'ai répondu, le sourire
en coin.


Après les vacances de Noël, j'ai eu
droit à une nouvelle coupe de cheveux, assez courte mais charmante
et je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer, la petite minijupe noire
bien-sûr, mais surtout le petit polo rayé style marin breton qu'on
se demande toujours, à l'étranger, s'il est vendu avec ou sans la
baguette et le litron de rouge. Je suis sûr qu'elle a dû essayé de
mettre un béret !


Elle est aussi parvenue à décrocher
la meilleure note à son test, avec vingt points d'avance sur les autres.
Ça, c'est un signe qui ne trompe pas ! La seule étudiante, de toute
ma carrière, qui soit jamais arrivée au score maximum, me regarde
toujours, deux ans après, avec des papillotes dans les yeux ! Hélas,
cette année-là, il y avait aussi Angel, qui avait compris que me dire
"Fuck off !" en classe, dans la chaleur d'une discussion,
m'impressionnait plus qu'une bonne note dans un silence poli...


Bref, pour en revenir à Heidi, il y
a trois semaines de ça, alors que je venais de marcher un peu, après
ma leçon, en fumant un petit stick d'herbe réparateur, voilà que
je la retrouve dans le bus qui rentre du campus vers la ville.


-"Tiens, tu n'habites pas sur le
campus ?"


-"Si mais je rentre chez moi ce
soir."


Je prends place à ses cotés et nous
discutons un peu, enfin j'essaie de discuter un peu parce que la pauvre
chérie a l'air un peu tendue. Son anglais est abominable et elle ne
semble pas avoir grand-chose à raconter. Nous arrivons en ville, j'annonce
que je vais manger, elle décrète qu'elle m'accompagne, j'en perds
l'appétit tellement je m'ennuie en sa compagnie et je la raccompagne
au métro. Ouf.


Malgré tout, Angel n'apprécie pas vraiment.
C'est bien, il ne faut pas qu'elle s'embourgeoise !


Une semaine après, le même topo recommence.
Exactement la même chose. Sauf qu'au moment de la laisser au métro,
elle se retourne et me dit :


-"Je peux venir voir le studio ?"


Je sursaute.


-"Maintenant ? Il est onze heures
!"


-"Oui, j'aimerais bien."


Et moi pris de cours, mais amusé quand
même je dois reconnaître, je dis :


-"O.K."


Arrivés au bureau, je fais visiter,
le studio d'enregistrement de Denis, le studio de photo de Leo, bon
elle ne dit trop rien, en proie aux aigreurs d'estomac tout soudain.


Je la laisse un moment pour aller tirer
vite fait sur le joint de Denis.


-"Eh, elle est mignonne !"
dit-il en ricanant bêtement.


-"Oui ben alors là, si tu la veux,
tu la prends. Elle a insisté pour venir et maintenant je ne sais plus
comment la foutre dehors !"


C'est à ce moment-là que le téléphone
a sonné.


-"Ah tiens, salut Angel... hem...
hum."


-"T'as mal à la gorge ?"


-"Euh non, ça va. Quoi de neuf
?"


-"Ben c'est à cette heure-là qu't'arrives
? Qu'est-ce que tu as fait ?"


-"oh... euh... oh... rien.. euh,
j'ai été bouffer avec Heidi..."


-"Encore !"


-"errr... oui... comme la semaine
dernière quoi."


-"Ah ben d'accord ! Tu sais parfaitement
ce qu'elle veut et tu la laisses bouffer avec toi ! Tu joues à quel
jeu là ?"


-"Oh euh, ben rien... euh, dis-donc,
on pourrait pas en discuter demain plutôt parce que bon, j'ai pas trop
envie qu'on s'engueule maintenant O.K. ?"


-"Mais tu comprends c'que j'te dis
ou pas ?"


-"Ouais ouais, j'comprends tout
à fait mais j'préfèrerais qu'on en parle demain si ça t'ennuie pas
trop..."


-"O.K., bye !"


-"Bye." 


Merde.


J'pouvais quand même pas lui dire qu'Heidi
était là, juste en face de moi, à écouter c'que j'racontais. Et
j'allais quand même pas m'engueuler avec ma copine de troisième année
devant une première année amoureuse qui me sait marié !


Dans la promiscuité,


Faut savoir louvoyer.


Et la carte du tendre,


Il faudrait mieux l'apprendre. 


Je me mets à lui montrer mon site WEB
pour gagner du temps. Elle ne dit pas grand-chose, toujours soumise
aux brûlures d'estomac. Ses yeux sont lourds d'angoisse, elle n'arrive
même pas à soutenir mon regard.


Serait-elle vierge ?


Elle s'en va aux toilettes. Denis en
profite pour me passer le pétard.


-"Tu vas t'la faire ?"


-"Oh ! Mais t'es agaçant ! Non,
j't'ai dit ! Elle a rien dans la tête ! J'vais pas risquer d'perdre
Angel pour tirer un coup avec une greluche pareille !"


La greluche est de retour.


Denis tente d'entamer la discussion avec
elle mais c'est peine perdue, c'est à peine si elle répond trois mots.
Nous continuons à discuter sans trop nous occuper d'elle. Deux minutes
après, Heidi me demande si elle peut téléphoner.


-"Mais certainement !"


Pourvu qu'elle se barre.


-"O.K., mais ne faites pas d'bruit,
j'appelle ma mère."


Denis et moi ne parlons pas beaucoup
le cantonais mais assez cependant pour piger qu'elle est en train de
prévenir chez elle qu'elle ne rentrera pas cette nuit.


-"Ha ha ! Ben te voilà coincé
mon vieux ! Faut qu'tu la niques maintenant, elle est venue pour ça
!"


-"Alors là sûrement pas mon pote
! J'ai horreur qu'on fasse le forcing en plus et puis merde, j'aime
bien draguer un peu aussi quoi, c'est pas marrant du tout !"


-"Oui oui, allez, tu vas pas faire
la fine bouche."


-"Mais non ! J't'ai dit ! T'as vu
l'genre ! Elle va pas m'laisser béton si je craque, j'suis sûr ! Non,
non, pas question ! C'est le style à te coller pendant trois mois après
et je te raconte pas les plans glauques que ça risque de faire à la
fac entre Angel et elle. Tu vois l'massacre !?"


-"Euh, ouais, vaut p'tet mieux pas
! Mais qu'est-ce que tu vas faire ?"


-"Ben elle se démerde hein ! Elle
dormira sur le sofa dans l'entrée et puis voilà."


Entre temps, Heidi a sorti ses livres
et ses cahiers de son sac et elle s'est mise à faire ses devoirs. C'est
touchant.


J'en profite pour m'esquiver de mon propre
domaine ! Repli chez Denis où LeBurn, le guitariste black, vient d'arriver.
On branche les instruments pour un peu de jammin'.


I man play the bass see !


A deux heures du matin, j'ai le bout
des doigts sanglants, les yeux rouges et la posture chaloupée. Je dois
dormir !


Je titube vers mon antre. La petite est
toujours là, plongée dans ses bouquins.


-"Dis Heidi, dis. J'vais m'coucher
moi là tu sais, j'suis nase."


-"Oui, bon, OK."


Elle me lance un regard que c'est beau
des regards comme ça, faudrait qu'ça dure et dure et que ça se rejoue
sans cesse. Peu importe qui le lance ce regard, je m'y glisse comme
dans la fumée de l'opium, je m'y entortille comme dans de la soie,
je m'y réchauffe doucement, j'y chavire.


Il vacille.


Elle se replonge dans son bouquin.


Putain ! Mais elle se rend pas compte
comment j'suis raide moi !? J'sais bien, c'est dur, c'est chiant, c'est
glauque et ça fout l'bourdon mais moi aussi y'a des nanas qui m'aimaient
pas... ça râpe un peu l’ego mais on n'apprend rien sinon !


-"Heidi ? J'vais m'coucher maintenant."


-"Et je dors où alors ?"


-"Ben y'a l'sofa dans l'entrée,
viens voir."


Je l'emmène mais bon, LeBurn se prend
pour Hendrix et Denis essaie de faire mieux, laisse tomber. J'me sens
un peu vache avec elle, j'vais pas devenir cruel non plus.


-"Hum, tu vas jamais pouvoir dormir
avec ce boucan, y'a une banquette devant mon bureau, j'te l'débarrasse
et tu vas être plus tranquille."


Putain, qu'est-ce que c'est qu'ce plan
? Elle va être carrément de l'autre coté de ma cloison. J'vais pas
pouvoir péter sous la couette qu'elle l'entendra !


Je lui passe une couverture et un grand
sweat-shirt pour qu'elle n'ait pas froid, j'éteins les lumières. Tiens,
là je pourrai encore lui souhaiter bonne nuit à la française, avec
deux bisous. Ça serait gentil mais ici, les Chinois ne s'embrassent
jamais, elle le prendrait de travers.


Justement...


Pfff ! J'suis raide moi !


-"Bonne nuit Heidi."


-"Bonne nuit."


Je me couche aussi après m'être roulé
un dernier petit joint. Je suis curieusement éveillé moi d'un seul
coup, électrique même un peu. Je l'entends qui se retourne sur la
vieille banquette. Heureusement, Shiva m'assomme au bon moment.


Elle me réveille le lendemain matin
:


-"Je pars à la fac. Au revoir."


-"O.K., salut."


Et je me rendors.


Quelques heures plus tard, je prends
le café avec Denis.


-"Alors ? Tu l'as pas sautée ?"
demande-t-il avec son tact habituel.


-"Non, heureusement, j'm'en serais
plus débarrassé sinon."


-"Mais t'es con, elle est venue
pour ça, t'avais qu'à la prévenir que c'était juste pour cette nuit."


-"Ouais, tu parles. Et puis ça
va comme ça hein, j'vais pas faire collection non plus !"


-"Ah ! Tu vas voir, les autres nanas
vont s'foutre de ta gueule ! Elle va te faire une réputation de couille
molle à la fac maintenant !"


-"Putain Denis ! T'es lourd toi
le matin tu sais ! En plus tu n'y connais rien; une chinoise qui sort
avec un mec marié, c'est pas l'mec qu'a tort aux yeux de tout le monde,
c'est la copine. Alors une nana qui se prend un bide avec un mec marié
tu vois, elle va pas aller s'en vanter, tu peux être sûr. Dommage
d'ailleurs, j'aurais la paix comme ça, c'est vrai quoi, elle est à
moitié religieuse cette fac de merde, si toutes les nanas se mettent
à me tourner autour, je vais pas y faire long feu moi. Tu t'rappelles
pas la première année, j'savais même pas ce qui s'passait qu'il y
avait déjà le chef du département qui m'reprochait que mes élèves
semblaient trop "charmées". Non, non, J'regrette rien."


-"En tout cas, tu vas plus la revoir
c'est sûr."


-"Tu crois ? Ouais, y'a des chances.
J'verrai bien demain, elle avait pris l'habitude de venir à TOUS mes
cours !"
 


Effectivement, le lendemain, elle n'est
pas venue. A Angel qui remettait le coup du dîner avec Heidi sur le
tapis, j'ai raconté la vérité. Le fait que j'aurais pu ne rien lui
dire m'a semblé suffisant pour apaiser ses soupçons mais elle n'est
pas idiote. Jeudi soir, elle est restée à la fac pour m'attendre.
Je suis arrivé vers cinq heures et nous avons pris un café ensemble
puis je suis monté en cours. Angel devait me retrouver pendant la pause
puis nous devions rentrer ensemble après la classe et passer la nuit
ensemble au bureau. Un jeudi soir... comme par hasard.


Mais Heidi n'était pas là. Ah, parfait,
elle a compris, elle est dépitée mais elle s'en remettra.


Je reprends un café avec Angel pendant
la pause et je remonte enseigner l'emploi des pronoms à mes quatre
présents. A huit heures dix, on frappe à la porte. Heidi passe la
tête.


-"Je peux entrer ?"


-"Ben ça ne s'appelle plus du retard
ça mais va t'asseoir."


Zut.


J'évite d'échanger des regards avec
elle. Je comprends très bien ce qui s'est passé. Elle m'a dit qu'elle
bossait le jeudi (elle empaquette dans un magasin) et qu'elle devait
arrêter spécialement deux heures plus tôt pour venir à mon cours.


Maintenant elle ne s'arrête plus, elle
arrive avec plus de deux heures de retard mais ça lui permet quand
même de rentrer en bus avec moi.


Misère !


Le cours se termine. Je laisse les étudiants
filer devant. Heidi se tire avec le seul mec de la classe. J'ai un léger
espoir. Peut-être est-il devenu son copain depuis la semaine dernière
?


Angel m'attend devant la librairie du
campus. Nous marchons vers l'arrêt d'autobus, à vingt mètres derrière
Heidi et Rego. Mon espoir tombe à l'eau lorsque je les vois se séparer
devant l'arrêt. Heidi reste, Rego s'éloigne vers les tours de Tuen
Mun.


Angel et moi approchons. Angel me fait
remarquer qu'Heidi est là (oui, merci, je suis au courant). Elle nous
tourne résolument le dos. Le bus arrive. Angel grimpe la première.
Je la suis. Je me retourne. Heidi n'a pas bougé. Elle reste dans le
coin de l'arrêt, pelotonnée frileusement dans son manteau bleu marine.
Ses grands yeux sont fixés sur moi. Je lui lance un regard interrogatif;
tu viens ?


Elle refuse, tristement, de la tête.
Son regard chavire.


J'aimerais avoir un clone à lui offrir
pour son rêve; les petits chats m'attendrissent comme n'importe qui.


Je grimpe tout en haut du bus à impériale
et je retrouve Angel sur la banquette. Elle a un petit sourire dans
les yeux.


-"Tu sais, j'ai discuté avec ma
copine Maria, si tu ne peux pas partir en Europe avec moi cet été,
on ira peut-être au Népal ensemble ! Et j'ai rencontré Thomas à
la bibliothèque tout à l'heure, il veut venir aussi."


-"Quoi ! Tu vas pas aller avec Thomas
dans le seul pays où je ne peux pas mettre les pieds ?"


-"J'sais pas... peut-être..."


Balaise, Angel... 


Aaaargh !


Nish





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire