Ride the World in Style

Ride the World in Style
Kawasaki W650

Welcome to my nightmare

Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish

samedi 30 janvier 2010

Nish Man - Thailande



    Sur les
    routes de Thaïlande (1984)
     


    "Ah la la, je vous
    dis pas l'angoisse ! Je me croyais peinard, définitivement au chaud
    sur mon île tropicale et puis voilà... Tout doucement, on a cessé
    de transpirer sous le T-shirt, puis il a fallu mettre un blouson; une
    couette est bientôt venue remplacer le drap-moustiquaire; bref, j'ai
    préféré fuir avant d'avoir les doigts trop gourds pour rouler mes
    tarpés.


    J'ai déjà mon billet
    pour Bangkok, il ne me reste plus qu'à faire provision de papier à
    rouler et à sauter dans l'avion avec "Viper" pour passer
    le temps (si, si, même les Chinois lisent "Viper", même
    que c'est moi qui traduis). Ce mois-ci, Santi et sa bande subversive
    ont déclaré la guerre à l'héroine: noble combat, mais je ne peux
    pas en dire grand-chose, je n'ai jamais essayé, ou une ou deux lignes
    comme ça par inadvertance. A première vue ça a l'air plutôt agréable,
    mais je suis partisan de l'expérience directe. Avant de tirer des conclusions,
    il faut essayer soi-même. Bon, tout le monde dit: "La poudre,
    c'est pas bon." J'ai tendance à le croire aussi. Mais est-ce mauvais
    pour tout le monde, à tout moment ? Ça fait un bout de temps que j'aurais
    pu en prendre si j'avais voulu mais j'ai toujours pensé que c'était
    du suicide. Il faut attendre d'être bien dans sa peau pour prendre
    des trucs aussi puissants. En gros, je crois qu'il faut être, naturellement,
    encore plus heureux que le bonheur (fugitif) procuré par la poudre.
    Comme ça, quand tu t'arrêtes, tu ne renonces pas au paradis, tu y
    retournes!


    Alors, la morosité française
    ne m'encourageait pas à l'expérience; ici, par contre, j'ai une bonne
    pêche depuis un bout de temps, si bien que, coincé entre le dossier
    et mon plateau-repas, une idée germe. J'ai le moral, la santé et quinze
    jours à perdre sous les cocotiers. Ça me parait le moment idéal pour
    tenter l'expérience. j'éclate de rire en traitant un gros nuage de
    "crazy man" et c'est complètement speed que j'arrive dans
    le funeste aéroport de Bangkok. Toujours aussi sinistre avec ses flics
    aux quatre coins. "Mes jolis cocos, me dis-je en souriant au douanier
    fouilleur, que ça me laisse accroc ou pas, il n'y a pas de danger que
    vous trouviez quelque chose sur moi au retour!"


    Le taxi pourri et rebondissant
    fend l'air moite et vaguement écoeurant de la ville et me dépose chez
    un copain chez qui je passe la nuit. Comme la plupart des Européens
    vivant ici depuis un moment, le cocktail corrosif composé de nuits
    blanches, d'alcool, de sueur, de femmes, d'herbe et de nonchalance l'a
    marqué. C'est loin d'être un junk mais le besoin d'une petite ligne
    se fait parfois durement sentir... Bientôt, les petits cristaux blancs
    glissent doucement de la bouteille en plastique (500 baths=2,30gr.)
    sur le miroir taché. Je roule un billet et vlan, un grand coup dans
    la narine gauche. Je renifle deux, trois fois pour assurer le snif et
    m'affale sur la banquette. Quelques couplets de Clash plus tard, une
    vieille vapeur bienfaisante m'enveloppe des pieds à la tête, la sueur
    dégouline sur mon visage mais je ne sens rien. Calme, la grande tranquilité,
    il fait bon dans soi ! J'ai les yeux gonflés et puis... ça devient
    de plus en plus... difficile de... se souvenir de ce que je voulais
    dire. Du reste pourquoi parler ? On est suffisamment bien comme ça!
    Dehors, le temps s'écoule; dedans, c'est l'arrêt complet du véhicule!
    Ça ne pense pas beaucoup mais ça plane bien, ça grattouille un peu
    aussi tiens, m'enfin qu'est-ce qu'on est bien ! Ah dis donc, ça me
    démange un peu partout moi ! Ah oui, je me souviens des trois shootés
    du camping d'Amsterdam, ils n'arrêtaient pas de se gratter non plus
    ! Bon, l'atterrissage paraissant imminent, je roule un gros spliff de
    noir mais je le fume tout seul ! J'oubliais que pour les habitués de
    la poudre, le joint ne fait pas plus d'effets qu'une clope. Une demie-heure
    plus tard, complètement défoncés, nous partons faire la tournée
    des boites jusqu'au lever du jour. Je me souviens juste d'avoir dansé
    comme un fou au milieu des tables et d'un groupe de putes qui applaudissaient
    en riant... La nuit, à Bangkok, il y a intérêt à surveiller son
    fric et sa vertu, mais on s'éclate bien !


    Le lendemain, un peu pâteux,
    je m'installe dans le bus face au coucher de soleil. Direction Phuket
    et la petite plage peinarde dont on m'a causé et dont je ne communiquerai
    l'adresse que si vous m'y invitez. Je m'endors si bien que la panne
    de trois heures m'est passée totalement inaperçue, ce qui a permis
    à d'obscurs malandrins de me braquer mon zoom dans le coffre du bus!
    Hey man, on est en Thaïlande, ne l'oublie pas... A Phuket, c'est la
    galère, "ma" plage est complète et je suis obligé de me
    rabattre sur une plage paradisiaque comme on en trouve depuis Goa jusqu'à
    Bali. Je demande pardon à ceux qui ont passé Noël en HLM mais retrouver
    la même bouffe sinon les mêmes gens qu'à 10000 bornes de là, ça
    a un côté décevant. Le paradis, ça doit être ça, le même bonheur
    partout et pour tout le monde! Bref, je m'installe dans mon bungalow
    et repère les figures sympathiques susceptibles de partager la saveur
    d'un bon tarpé.


    Mon voisin, un Suisse-Allemand
    (les langues, ça sert des fois j'vous jure) a une longue mèche blonde
    dans le dos et un air vaporeux qui me met en confiance. On cause, il
    roule le premier joint et on délire sur les voyages en écoutant Manfred
    Mann. L'herbe et la poudre sont en vente discrète au restaurant du
    coin. Ça tombe bien, j'ai faim et il me tarde de regoûter aux délicieux
    milk-shakes à la banane, à la mangue ou à tout ce que vous voulez
    du moment que vous attendez que le générateur soit en marche! Effectivement,
    le serveur a les yeux plutôt rétrécis et la démarche un rien traînante.
    C'est lui qui vient me brancher. Qu'on le veuille ou non, pour ce genre
    de transactions, les cheveux longs, ça facilite la communication. Hélas,
    je commets l'erreur de demander d'abord le prix de la poudre ce qui
    fait que je devrais aller acheter mon herbe ailleurs. Car, comme par
    hasard, le serveur aura toujours de la poudre à me vendre mais l'herbe
    n'arrivera jamais ! Je suppose que c'est ce qu'on appelle un pusher...
    Mille baths la bouteille mais elle pèse lourd. Il me l'apporte à domicile
    avec des airs conspirateurs, me dit de la planquer sérieusement et
    de n'acheter qu'à lui, ceci par pure amitié de sa part! Et c'est parti!
    Un sniff et je vais voir l'Allemand. Nous parlons de l'Inde et des ashrams,
    de sa copine, morte d'overdose, des boulots et de la zone en Suisse.
    L'herbe tourne mais ne m'atteint pas vraiment. Je laisse mon voisin
    dormir et je retourne me faire une ligne. Je dors plutôt bien. Le lendemain,
    je me prends un gigantesque petit-déjeuner, une ligne, et je pars sur
    la plage. J'ai l'esprit absent. Je me sens bien mais vide. Le temps
    est comme arrêté, je regarde les couchers de soleil comme un spectacle
    télévisé sans vraiment me rendre compte qu'il s'agit de la fin du
    jour. Noël passe et je réveillonne dans un nuage. Les événements
    se déroulent autour de moi mais ne me touchent pas. Je me souviens
    qu'un soir, j'ai été surpris de voir ma main stoppée en l'air, tenant
    un paquet de cigarettes. J'avais oublié depuis un long moment que je
    voulais en griller une. Ça m'a rappelé Bloodi" (un personnage
    d'une des BD de Viper, un junkie), "raide, sa clope se consumant
    en lui brûlant les doigts! Pendant ces quelques jours, il me fallait
    allumer un pétard tous les quarts d'heure pour en ressentir les effets.
    Bref, la situation commençait à devenir craignos mais je ne me rendais
    compte de rien. Je me disais bien de temps en temps qu'il y avait peut-être
    quelque chose d'autre à faire que de rester écroulé toute la sainte
    journée, mais un petit sniff venait bientôt m'en dissuader.


    Et puis une nuit, je me
    réveille en pleine forme comme ça m'arrive depuis que j'ai commencé
    à sniffer. J'allume une cigarette et change de position. Un moment
    plus tard, une furieuse douleur au bras me fait sursauter. C'est toujours
    l'obscurité. Je me retourne, oubliant déjà la raison de mon réveil
    quand je me trouve le nez pratiquement plongé dans une flaque lumineuse,
    orange et mouvante! Je mets un moment à réaliser mais quand c'est
    fait, je fais un bond en l'air! Le feu ! Mille shilums, il y a le feu
    dans mon lit ! J'inonde à grande eau, j'allume et regarde les dégâts.
    Le matelas est complètement noirci, le drap a subi un nettoyage au
    napalm et j'ai le bras brûlé en plusieurs endroits. Alors là je reste
    un moment, les bras ballants, à contempler le spectacle. Dans ma tête,
    les choses reprennent contact avec la réalité. D'abord j'aurais pu
    y passer. Ensuite d'autres bungalows en bois touchent le mien. Je flippe
    en pensant à ce qui aurait pu arriver si je ne m'étais pas réveillé!
    J'ai envie de me coller des baffes. Bon, je me réinstalle comme je
    peux et j'essaie de faire le point. Ok, je me suis laissé aller un
    peu loin, j'ai perdu le contrôle sans même m'en rendre compte, mais
    là, brutalement, je remets les pieds sur terre. J'ai envie de continuer
    l'expérience et je ne vais pas jeter ce qui me reste, mais cette fois
    je reste vigilant.


    Il y a des tas de choses
    que j'ai envie de faire ici avant de partir pour Bangkok. Je me fais
    un programme pour la journée, me réservant la soirée pour la poudre.
    Une fois à Bangkok, j'arrête. Le lendemain, je me refuse la petite
    ligne matinale et je descends manger. Au bout de quelques heures, je
    suis d'une humeur massacrante, j'ai des crampes dans la mâchoire et
    dans le dos. Les brûlures de mon bras me font mal. Il faut se faire
    une raison, je suis en manque ! Pas beaucoup, je ne sniffe pas depuis
    assez longtemps, mais assez pour que je me sente mal physiquement et
    moralement. Le pire, c'est le côté moral parce qu'il serait si simple
    de remonter se faire un sniff! Au lieu de ça, je me force à bouger
    de mon banc. Je vais prendre une douche froide qui me redonne un peu
    la pêche et je descends louer un masque et des palmes. A 100 mètres,
    il y a une avancée de rochers dans la mer. Il parait qu'il y a des
    poissons et des coraux magnifiques. Je plonge et c'est mieux qu'un trip
    d'acide. Des bancs de poissons rouges, bleus, oranges, verts, passent
    près de moi. Le soleil se reflète sur les écailles. En dessous, les
    coraux forment une exposition de formes et de couleurs. Je reste des
    heures à nager d'un bout à l'autre en découvrant de nouveaux coins
    et de nouvelles espèces. En sortant, j'ai une faim et une pêche de
    tous les diables. J'avale des litres de milk-shakes et dévore des tas
    de choses lourdes et sucrées. Ensuite, je me fais une ligne avec mon
    voisin et nous nous écroulons bientôt. Mais ce n'est plus la même
    chose. Quelque chose s'est brisé. Je ne me laisse plus aller avec autant
    de confiance qu'avant. Tout en étant incapable de bouger, j'ai une
    énergie intérieure qui aimerait bien se libérer.


    Ainsi, les jours suivants
    ont été plus constructifs. Faire du cross dans la jungle ou foncer
    dans les dunes est nettement plus excitant que fixer le plafond les
    yeux vides. Pourtant chaque soir, je me suis repris un sniff qui toujours
    me donnait l'impression de rester sur ma faim. Et puis un matin, il
    a fallu reprendre le bus pour Bangkok, histoire d'aller fêter le Nouvel-An
    entre copains. Il me reste de quoi faire un gigantesque sniff. Ça tombe
    bien puisque c'est le dernier de l'expérience. C'est bizarre car cette
    idée a débloqué ma méfiance, cette dernière ligne m'a procure un
    intense plaisir et, tout en ne m'écroulant pas, elle m'a fait faire
    un voyage (au propre et au figure) dans une gaieté joyeuse.


    Cela ferait une jolie fin,
    mais, dés le lendemain, je reprenais un sniff! Et cette fois-ci sans
    esprit de défonce mais pour apaiser une rage de dent du genre cisaillant!
    Charmant 1er janvier! Je suis resté trois jours dans le coltard avec
    la fièvre mais en prenant des Glifanans! La poudre était-elle pour
    quelque chose dans cette histoire? Je préfère continuer à y croire
    car dans les moments les plus jouissifs de ma douleur, je me suis juré,
    en me traitant de tous les noms, de ne plus jamais m'enfoncer une paille
    dans le nez!


    Enfin, avec du recul, je
    trouve que l'expérience a été globalement négative tout simplement
    parce qu'elle m'a apporté moins de plaisirs que de problèmes. Je reste
    sur l'impression d'avoir perdu mon temps avec la poudre. Contrairement
    à la fumette ou aux champignons qui laissent quelque chose de constructif"
    (?:) "dans la tête, dans les faits ou dans l'amour, l'héroine
    ne laisse qu'un vide désespérant. Aucune lumière ne s'y reflète,
    rien ne s'y crée. On utilise la morphine pour les mourants et je crois
    qu'ainsi la poudre trouve sa meilleure utilisation."


    Nish





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