Ride the World in Style

Ride the World in Style
Kawasaki W650

Welcome to my nightmare

Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish

samedi 30 janvier 2010

Nish Man - L'alcool



    La came isole de
    force?
     


    Si les drogues dures emmurent, l'alcool,
    lui, colle au banc de la société dés la maternelle. J'en suis hélas,
    encore une fois, l'exemple le plus désolant.


    Dés le plus jeune âge, à cinq
    ans tout au plus, je connus la honte des désignés du doigt, je traînais
    derrière moi les regards entendus des commères qu'elles ponctuaient
    d'un hochement de tête entendu comme une voiture de jeunes mariés
    traîne son vacarme de casseroles ! On se poussait du coude, on s'esbaudissait
    en catimini tout en me donnant du "Pauvre garçon !" On me
    dévisageait en feignant ne pas me voir ! On me parlait à la troisième
    personne ! On me tapotait la tête en soupirant !


    Ah qu'il fut dur, psychologiquement,
    de me remettre de cet affront cuisant à mon amour-propre naturellement
    disproportionné mais encore bien tendre !


    Qu'avais-je fait pour mériter sinon
    l’opprobre publique, du moins la désapprobation générale ?


    Je buvais.


    Et, malgré cette hideuse habitude,
    je pilotais tout de même une Bugatti rouge à pédales dans la cour
    de mon école maternelle. Inconcevable !


    "Quoi ? Qui c'est qui dit qu'c'est
    pas vrai?" comme disait Peugeot, t'as raison mon pote, crois-y
    pas, mais les vieilles biques de mon école, elles y ont cru, elles
    !
     


    Le Mans en 1965 ! Un vrai poème
    comme atmosphère ! Aujourd'hui je regarde "Les 400 coups"
    et je reconnais des trucs de l’époque, les 4CV, les imperméables,
    les foulards sur les cheveux des femmes, c'est glauque, c'est gris,
    c'est sombre et plutôt petit et puis je me rappelle que c'est Paris
    dans le film, la capitale. Au Mans, patelin de la Sarthe, vaguement
    près de la Bretagne, pratiquement en Normandie, pas tout à fait en
    Touraine mais quand même au nord de la Loire, comme Paris, il faut
    compter vingt fois pire. Facile.


    La bravegenterie catholo-formica
    dont les coïts silencieux ne débordent jamais les draps y assurait
    une ambiance d'enfer, une fois par semaine, à coups de cloches. Les
    paroisses déridaient les onanistes lors de kermesses de charité inoubliables.
    Pour tout dire, c'est la municipalité qui a dû se charger d’ôter
    les pavés des rues bien après 68.


    Si vous n'avez jamais pu finir Madame
    Bovary, c'est le genre de patelin à éviter coûte que coûte, le style
    d'endroit où toute personne lucide se doit de devenir alcoolique.


    Or moi, à cinq ans, je n’étais
    pas lucide du tout, en tout cas pas assez pour naviguer correctement
    parmi les nombreux récifs de stupidité au milieu desquels ma nouvelle
    vie sociale venait de me jeter et je me suis pris ma maîtresse d’école
    de plein fouet en guise de premier écueil. Dur l'enfance en province
    !


    C'est vrai quoi, une maîtresse on
    m'avait dit que c’était gentil. D'ailleurs Maman en avait été une
    aussi avant d’être prof alors c’était tout vu, ma maîtresse,
    je l'aimais bien. Et comme je l'aimais bien, il fallait aussi qu'elle
    m'aime - c'est la moindre des choses quoi mince - et pour qu'elle m'aime,
    vu mon joli minois, c’était simple, il fallait juste qu'elle me remarque
    parmi les 35 autres.


    Les premiers jours d'angoisse et
    d'adaptation étaient passés, j'avais des copains dans la cour de récré,
    j'essayais de me faire des copines dans les cabinets et je commençais
    à dédicacer mes dessins à ma maîtresse afin, bien entendu, de montrer
    mon appréciation pour la valeur de son enseignement et mon approbation
    quant à la justesse de sa pédagogie. Mais rien n'y faisait. Mon charme
    total tombait à plat, mes clowneries désopilantes semblaient l'agacer
    plutôt qu'autre chose et mes démonstrations pectorales la laissaient
    de marbre. On aurait dit que rester assis en silence sans bouger constituait
    le plus sûr moyen d'obtenir un sourire et franchement, il ne fallait
    pas pousser, il y avait des limites aux extrêmes de mes passions.


    Rien ne semblait distinguer la matinée
    fatidique de mon premier échec scolaire d'un autre matin manceau, il
    pleuvait.


    La maîtresse, dont la moustache
    gouttait encore de l’ondée automnale, avait dû préparer sa leçon
    car on sentait, à l'allure altière qu'elle prenait derrière son bureau,
    qu'elle possédait bien son sujet. S'adressant à la classe comme un
    boeing aborde un aéroport, le nez en l'air, gonflant les joues, l'oeil
    inspiré, la cage thoracique gonflée à bloc, tétons et boutons de
    blouse en avant, elle commença, sûre et certaine de sa bonne foi,
    à nous mettre publiquement, officiellement mais maternellement en garde
    contre un fléau social bien réel et fort présent dans la région:
    Le Spectre de L'Alcoolisme.


    L'audience bambine en était toute
    bouche-bée. Certains bavaient. La conviction de notre bonne dame était
    si magistrale, si palpable qu'elle parvenait à créer dans la classe
    une tension, une attention jamais égalée depuis le passage de Guignol.
    La chère femme, impressionnée sans doute par ses propres facultés,
    flattée certainement dans son amour-propre d’éducatrice, contenait
    avec peine le torrent de sa voix. On aurait dit un génie sortant de
    sa bouteille tiens justement, et qui enfle et qui gonfle en envahissant
    l'espace de ses bras arrondis. Nous n’étions plus attentifs, nous
    étions terrassés ! Totalement soumis à l'influence de l'ogratrice
    ! Pétrifiés ! L'oeil rond fixé sur notre Castafiore wagnérienne
    et vilipendante!


    Son mari était-il revenu saoul la
    veille de sa partie de belote au bistrot ? L'avait-il abusée à son
    retour ? Avait-elle été déçue par sa performance ? Je ne le saurai
    sans doute jamais mais la chaleur, l'ardeur, la conviction que la matrone
    mettait dans ses déclarations n’étaient pas sans suggérer un abus
    de frustrations dans son équilibre quotidien. Elle vibrait tant que
    quelques bizuths parmi les plus jeunes en firent pipi sur leur chaise,
    affolés par la chair rosâtre et tressautante qui s'agitait flasquement
    devant leur visage.


    L’étroite soupape de notre pape
    culturel allait-elle péter ? Nous craignions tous l'apoplexie, l’arrêt
    cardiaque, l'auto-combustion. L'oeil exorbité, elle s’échinait à
    hologrammer le spectre d'une bouteille de bibine dans l'espace vide
    au dessus de nos têtes. Sa haine et son horreur de la boisson lui paraissait
    sans doute assez puissantes pour lui permettre de concrétiser, para-psychiquement
    et en 3D, l'exemple maudit à sa classe de disciples menacés.
     


    Son effort de conviction me rappelait
    un peu le jour où mon père avait essayé de me faire croire à l'Apocalypse.
    On était tous plantés devant des tapisseries balaises ce jour-là.
    Au début je croyais que ça représentait un champ de foire, il y avait
    de l’activité dans tous les coins mais en y regardant plus près,
    c’étaient quand même de drôles d’activités... Ma mère s'est
    mise à m'expliquer grosso-modo à quoi tout cela faisait référence,
    Noé et tout, et moi je me disais que décidément, les adultes, on
    faisait pas mieux comme cinglés. C'est vrai quoi, quant à imaginer
    quelque-chose d'important, ils auraient quand même pu trouver plus
    gai. C’était affreux toutes ces tortures, toutes ces agonies. Je
    ne voyais pas trop où était le plaisir. Bon. C’était pas la première
    fois mais quand on est arrivé devant la dernière Apocalypse, celle
    qui n'est pas encore arrivée, voilà que mon père me dit de bien regarder
    parce que l’Enfer sur la Terre, c'est bien ce qui risquait de nous
    tomber sur le coin de la gueule n'importe quand. D'abord j'ai rigolé,
    mon père j'avais l'habitude, c’était pas un sérieux comme ma mère.
    “Ah oui,” je lui dis, “comme les Gaulois qui attendent que le
    ciel leur tombe sur la tête, hein ?”


    Lui, je ne sais pas pourquoi, il
    a insisté.


    -"Si, si, ca va vraiment arriver."


    Bon, j'essaie de raisonner,


    -"Allez quoi, c'est pas possible
    tout ce feu partout, les pierres, tiens, par exemple, ça prend pas
    feu."


    -"Ben si, et les volcans."
    qu'il me répond.


    -"Bon ben le sable alors, ça
    prend pas feu le sable."


    -" Mais si, ça devient du verre
    même, il suffit de chauffer."


    -"Oh, t'es énervant! Bon la
    mer, tu vas pas l'incendier non plus la mer dis ?"


    -"Ben si, ça s’évapore."


    -"Oh arrête", lui dit
    ma mère, "tu vois bien que tu l’énerves !"


    -"Mais j'ai raison ! Y'a rien
    qui résiste au feu et avec la bombe atomique, tout ça peut très bien
    arriver ! Je ne vois pas pourquoi le gosse devrait l’ignorer."


    -"Bon, peut-être." dit
    ma mère en faisant la moue.


    Ça m'a mis encore plus en rogne.


    -"Mais ça va pas non ? Pourquoi
    ça arriverait tout ça ?"


    -"Ah ça !" m'a dit mon
    père "je ne t'ai jamais dit que ça voulait dire quelque chose,
    n’empêche que ça peut arriver quand même à n'importe quel moment."


    Construire une bombe qui arrive à
    faire ça ? Ils sont vraiment complètement tarés les adultes...
     


    M'enfin moi, la maîtresse, je voulais
    qu'elle m'aime. Or, la voilà qui s'adresse directement à la classe:


    -"Qui a déjà vu des alcooliques
    ?"


    Deux mains se lèvent.


    -"Oui, Véronique ? Tu as déjà
    vu un alcoolique ? Comment tu savais que c’était un alcoolique ?
    Peux-tu le dire à tes camarades ?"


    -"Il sentait pas bon !"


    -"Oui ! Très bien Véronique
    ! Les alcooliques, ils ne sentent pas bon, c'est vrai ça ! Très bien
    !" Zut, moi j'avais pas tellement écouté la question, j'aurais
    pu répondre aussi ! C’est malin, maintenant c'est cette bigleuse
    de Véronique qu'elle aime la maîtresse ! C'est nul !


    -"Et qui est-ce qui peut me
    dire ce qu'ils font encore les alcooliques hein ?"


    Ah la vache, cette fois-ci je lève
    la main ! Ah attends quand même, qu'est-ce que je réponds au fait
    ? Ah si, je sais, ils marchent pas droit, les alcolos. Je pointe mon
    doigt.


    -"Oui, Vincent, qu'est-ce que
    tu peux nous dire ?"


    -"Aghhheuuu... heu... ben ils
    boivent du vin."


    -"Oui, mais ça Vincent, c'est
    ce que je viens de dire. Quelqu'un d'autre ?"


    J'ai le bras à moitié sorti de
    l'omoplate.


    -"Marie-Noëlle ?"


    -"Euh, ben je crois qu'ils marchent
    pas comme nous parce que j'ai vu un film avec Charlot et alors il avait
    bu le verre de quelqu'un et alors c’était du vin et alors après
    il marchait à reculons."
     


    Ah la la ! Elle m’énerve Marie-Noëlle
    ! Déjà qu'elle m'a bien eu l'autre jour quand je lui ai donné mon
    bonbon que je n’avais presque pas sucé et qu'elle n’a même pas
    soulevé sa culotte quand même, voilà qu'elle me pique mes réponses
    maintenant, c'est dégoûtant, si ça continue je lui fais un croche-patte
    dans la cour tout à l'heure!


    -"Très très bien Marie-Noëlle
    ! Oui, tu as raison, Charlot, il avait dû boire un verre de vin par
    erreur et comme tu dis, ça l'a fait marcher de travers. Est-ce que
    quelqu'un d'autre a quelque-chose à ajouter ? Oui, Pascal ?"


    Oh non ! J'ai gardé le bras levé
    ! Et l'autre qui a répondu à ma place ! Je panique, je ne trouve rien
    ! C’était quoi la question d'ailleurs ! Oh la la !


    -"Euh... ben... j'sais pas."


    La classe éclate de rire, la maîtresse
    hausse les épaules, c'est réussi ! J'ai l'air encore plus débile
    que Vincent maintenant ! Et les deux filles qui me regardent avec dédain
    en plus. Alors là Marie-Noëlle, tu y as droit à ton croche-patte
    ! Je suis rouge pivoine, je me rassois, boudeur.


    -"Alors vous comprenez"
    continue l'enseignante, "comme l'alcoolisme est dangereux."
    et nia nia nia et nia nia nia.


    Pfff... Elle m'aimera jamais la maîtresse
    maintenant c'est sûr. J'en ai marre, je ne lui ferai plus aucun dessin
    puisque c'est comme ça. Je les donnerai tous à ma mère. Elle les
    garde elle au moins.


    Je sors de mon ronchonnement intérieur
    et je réintègre la réalité scolaire juste à temps pour la dernière
    question de notre harangueuse:


    -"Est-ce qu'il y en a parmi
    vous qui boivent régulièrement de l'alcool ?"


    Ah ça ! Je ne sais pas trop ce que
    régulièrement veut dire mais boire de l'alcool ça oui, je me rappelle
    ! J'en ai bu pour mon anniversaire. Du champagne même ! Je relève
    le doigt.


    Jean-Marie, de l'autre coté de la
    classe lève le sien également.


    -"Oui, Jean-Marie, qu'est-ce
    que tu bois alors ?"


    -"Mon papa, il me donne toujours
    un demi-verre de bière quand on mange."


    -"Oh un demi-verre ça va, ce
    n'est pas beaucoup mais enfin fais attention de ne pas en boire plus
    hein !?"


    -"Oui, M'dame !"


    -"Et toi Pascal ? Tu bois régulièrement
    toi ?"


    -"Non, moi je bois du champagne
    !"


    -"Ah bon !? C'est pas bien du
    tout ça tu sais !"


    Là dessus la cloche sonne, c'est
    l'heure de la récré et de régler mes comptes avec l'autre petite
    peste. Toute la classe sort après s’être emmitouflée d'anoraks
    et de bonnets à pompon. Bon, au moins la maîtresse m'aura remarqué
    cette fois !
     


    Ça fait à peine dix minutes que
    la récré a commencé et je n'ai même pas encore réussi à attraper
    Marie-Noëlle quand j'entends la maîtresse m'appeler. Je me retourne;
    elle est accompagnée de la directrice de l’école avec laquelle elle
    se promène souvent pendant les récréations. Elles me font signe d'approcher
    ! Qu’est-ce que j’ai fait ? Encore heureux que je ne l'ai pas encore
    chopée, l'autre cruche !


    C'est Madame Pécotte, la directrice,
    qui se penche vers moi en me tenant l’épaule:


    -"Ça va mon petit ?"


    -"Oui Madame."


    -"Alors tu aimes bien boire
    du champagne il parait ?"


    -"Oui Madame."


    -"On va aller dans mon bureau
    hein, on sera mieux pour bavarder."


    -"Oui Madame."


    -"Vous, restez ici pour surveiller
    la cour." ordonne-t-elle à ma maîtresse.


    -"Oui Madame." 


    Arrivés dans le bureau de la directrice,
    j'ai vite compris que la situation me dépassait déjà largement. Elle
    me fit asseoir sur ses genoux et se mit à m’ausculter, à me soulever
    les paupières, à me sentir l'haleine. Ouh la la !


    -"Hmmm, tu m'as l'air bien palot!"
    décide-t-elle. "Je crois que je vais appeler ta mère."


    Oh non ! Alors ça, ça ne présage
    rien de bon. Pourtant la barbe, je n'ai rien fait de mal ! En plus c’est
    vrai que j'ai bu un fond de coupe de champagne pour mon anniversaire
    !


    L’après-midi passe lentement.
    J'en connaîtrai plein d'autres, de ces heures en attente d’être
    puni. On sait que ça vient, il va falloir essuyer des tas de reproches,
    des criailleries, de vieilles bêtises vont refaire surface, se prendre
    une baffe ou deux, la fessée paternelle aussi peut-être, on ne saura
    quoi faire de moi, on me présagera encore un avenir peu glorieux, on
    se demandera de quelle hérédité je suis fait, on regrettera le bon
    vieux temps du pain sec et de l'eau et pour finir, on m'enverra dans
    ma chambre où je n'aurai plus qu'à m'allonger avec un livre. Bah,
    je serai majeur un jour...


    Le soir venu, après l’étude,
    ma mère qui vient de finir ses cours au collège en face, arrive enfin
    dans le couloir de la salle de jeu. Elle n’a pas l’air commode dis
    donc ! Elle m'attrape par le bras et zou, en route chez la directrice.
    Ahem, on dirait qu'elles ont déjà eu une entrevue, ma mère est blanche
    de colère et la directrice ne vaut guère mieux.


    -"Alors, il parait que tu racontes
    que tu es un alcoolique Pascal ?"


    -"Ben non ! J'ai pas dit ça
    !"


    -"Ah vous voyez !"


    -"Attendez un instant. Tu n'as
    pas dit que tu buvais régulièrement du champagne ?"


    -"Si ! J'ai dit que j'en avais
    bu à la maîtresse."


    -"Ah vous voyez !"


    -"Mais enfin quand !? Quand
    as-tu bu du champagne ?"


    -"Ben pour mon anniversaire
    !"


    -"Mais enfin c'est pas boire
    ça ! C'est pas un doigt de champagne qui va faire de mon fils un alcoolique
    !"


    -"Oh mais on ne sait jamais
    vous savez ! On n'est jamais trop prudent ! C'est notre devoir de dépister
    des cas d'alcoolisme chez les enfants et ce n'est pas parce que vous
    êtes professeur que vous êtes au dessus de tout le monde !"
     


    Ma mère m'a encore attrapé par
    le bras en haussant les épaules et elle est sortie du bureau sans dire
    au revoir. Elle avait l'air encore plus furax et elle ne m'a pas dit
    un mot dans la voiture.


    -"Heu, M'man, j'te d'mande pardon,
    hein j'savais pas..."


    -"Il a encore fallu que tu te
    fasses remarquer hein !? On réglera ça avec ton père à la maison
    !" Oh la la la la...
     


    Après le dîner, comme d'habitude
    dans les cas graves, on m'envoya dans ma chambre, le temps que mes parents
    se concertent.


    -"Bon Pascal, viens ici !"


    Je m'y traîne, une boule dans l'estomac.


    -"Qu'est-ce que tu as raconté
    exactement à ta maîtresse ?"


    -"Mais rien, elle a demandé
    qui c'est qui avait bu de l'alcool alors moi j'ai levé la main parce
    que j'en avais déjà goûté un peu avec le champagne que Papa m'avait
    donné dans mon verre pour mon anniversaire. C'est tout. Après Madame
    Pécotte, elle m'a appelé dans la cour et elle m'a amené dans son
    bureau."


    -"Pour quoi faire ?"


    -"J'sais pas, elle m'a regardé
    les yeux."


    -"Ah mais c'est incroyable !
    C'est la Gestapo cette école ou quoi !? Je ne veux plus qu'il y remette
    les pieds, tu m'entends Chéri !?"


    Chéri ne dit rien, il acquiesce,
    comme d'habitude.


    Mais attends, j'ai bien entendu ?
    Plus d’école ?


    -"Oui oh ne te fais pas trop
    d'illusions toi, pas la peine de jubiler, puisque ton père est au chômage
    en ce moment ça tombe bien, c'est lui qui va se charger de t'apprendre
    à lire, à écrire et à compter. J'aime mieux te dire que tu vas travailler
    jusqu’à ce que tu regrettes de ne pas aller à l’école ! Et maintenant
    tu files dans ta chambre !"


    Bon, voilà, c'est même pas la peine
    d'essayer d'argumenter quoique ce soit, ça ne ferait qu'augmenter le
    volume sonore. Je monte dans ma chambre. C'est dommage, je ne verrai
    plus les autres, ni mon copain Olivier qui me laissait goûter sa langue
    à défaut de me prêter son bonbon ni Martine qui voulait bien se laisser
    embrasser dans la cour et qui avait même accepté de se marier avec
    moi !
     


    Ma mère a tenu promesse. Je ne suis
    jamais retourné à la maternelle et comme mon père était patient,
    je me suis retrouvé en avance pour mon âge. Sale privilège, c'est
    le moins qu'on puisse dire ! Quand je suis entré à l’école primaire,
    on n’a pas voulu de moi en cours préparatoire, on m'a fait sauter
    une classe d’emblée. Moi qui avait voulu me sentir plus vieux en
    buvant du champagne pour mes cinq ans, je me suis retrouvé condamné
    à être le plus petit de la classe avec un an d'avance pour tout le
    reste de ma scolarité et ça n'a pas été du gâteau.


    Tarés ces adultes !


    En attendant, marqué pour la vie
    par cette mésaventure enfantine, je n'ai jamais montré le moindre
    goût, et réciproquement, pour la boisson alcoolisée quelle qu'elle
    soit. Je trouve la bière franchement dégueulasse, le vin, j'en apprécie
    une gorgée s'il est très bon et les alcools, je gerbe. Pour un Français,
    c'est un handicap.


    Nish





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