La came isole de
force?
Si les drogues dures emmurent, l'alcool,
lui, colle au banc de la société dés la maternelle. J'en suis hélas,
encore une fois, l'exemple le plus désolant.
Dés le plus jeune âge, à cinq
ans tout au plus, je connus la honte des désignés du doigt, je traînais
derrière moi les regards entendus des commères qu'elles ponctuaient
d'un hochement de tête entendu comme une voiture de jeunes mariés
traîne son vacarme de casseroles ! On se poussait du coude, on s'esbaudissait
en catimini tout en me donnant du "Pauvre garçon !" On me
dévisageait en feignant ne pas me voir ! On me parlait à la troisième
personne ! On me tapotait la tête en soupirant !
Ah qu'il fut dur, psychologiquement,
de me remettre de cet affront cuisant à mon amour-propre naturellement
disproportionné mais encore bien tendre !
Qu'avais-je fait pour mériter sinon
l’opprobre publique, du moins la désapprobation générale ?
Je buvais.
Et, malgré cette hideuse habitude,
je pilotais tout de même une Bugatti rouge à pédales dans la cour
de mon école maternelle. Inconcevable !
"Quoi ? Qui c'est qui dit qu'c'est
pas vrai?" comme disait Peugeot, t'as raison mon pote, crois-y
pas, mais les vieilles biques de mon école, elles y ont cru, elles
!
Le Mans en 1965 ! Un vrai poème
comme atmosphère ! Aujourd'hui je regarde "Les 400 coups"
et je reconnais des trucs de l’époque, les 4CV, les imperméables,
les foulards sur les cheveux des femmes, c'est glauque, c'est gris,
c'est sombre et plutôt petit et puis je me rappelle que c'est Paris
dans le film, la capitale. Au Mans, patelin de la Sarthe, vaguement
près de la Bretagne, pratiquement en Normandie, pas tout à fait en
Touraine mais quand même au nord de la Loire, comme Paris, il faut
compter vingt fois pire. Facile.
La bravegenterie catholo-formica
dont les coïts silencieux ne débordent jamais les draps y assurait
une ambiance d'enfer, une fois par semaine, à coups de cloches. Les
paroisses déridaient les onanistes lors de kermesses de charité inoubliables.
Pour tout dire, c'est la municipalité qui a dû se charger d’ôter
les pavés des rues bien après 68.
Si vous n'avez jamais pu finir Madame
Bovary, c'est le genre de patelin à éviter coûte que coûte, le style
d'endroit où toute personne lucide se doit de devenir alcoolique.
Or moi, à cinq ans, je n’étais
pas lucide du tout, en tout cas pas assez pour naviguer correctement
parmi les nombreux récifs de stupidité au milieu desquels ma nouvelle
vie sociale venait de me jeter et je me suis pris ma maîtresse d’école
de plein fouet en guise de premier écueil. Dur l'enfance en province
!
C'est vrai quoi, une maîtresse on
m'avait dit que c’était gentil. D'ailleurs Maman en avait été une
aussi avant d’être prof alors c’était tout vu, ma maîtresse,
je l'aimais bien. Et comme je l'aimais bien, il fallait aussi qu'elle
m'aime - c'est la moindre des choses quoi mince - et pour qu'elle m'aime,
vu mon joli minois, c’était simple, il fallait juste qu'elle me remarque
parmi les 35 autres.
Les premiers jours d'angoisse et
d'adaptation étaient passés, j'avais des copains dans la cour de récré,
j'essayais de me faire des copines dans les cabinets et je commençais
à dédicacer mes dessins à ma maîtresse afin, bien entendu, de montrer
mon appréciation pour la valeur de son enseignement et mon approbation
quant à la justesse de sa pédagogie. Mais rien n'y faisait. Mon charme
total tombait à plat, mes clowneries désopilantes semblaient l'agacer
plutôt qu'autre chose et mes démonstrations pectorales la laissaient
de marbre. On aurait dit que rester assis en silence sans bouger constituait
le plus sûr moyen d'obtenir un sourire et franchement, il ne fallait
pas pousser, il y avait des limites aux extrêmes de mes passions.
Rien ne semblait distinguer la matinée
fatidique de mon premier échec scolaire d'un autre matin manceau, il
pleuvait.
La maîtresse, dont la moustache
gouttait encore de l’ondée automnale, avait dû préparer sa leçon
car on sentait, à l'allure altière qu'elle prenait derrière son bureau,
qu'elle possédait bien son sujet. S'adressant à la classe comme un
boeing aborde un aéroport, le nez en l'air, gonflant les joues, l'oeil
inspiré, la cage thoracique gonflée à bloc, tétons et boutons de
blouse en avant, elle commença, sûre et certaine de sa bonne foi,
à nous mettre publiquement, officiellement mais maternellement en garde
contre un fléau social bien réel et fort présent dans la région:
Le Spectre de L'Alcoolisme.
L'audience bambine en était toute
bouche-bée. Certains bavaient. La conviction de notre bonne dame était
si magistrale, si palpable qu'elle parvenait à créer dans la classe
une tension, une attention jamais égalée depuis le passage de Guignol.
La chère femme, impressionnée sans doute par ses propres facultés,
flattée certainement dans son amour-propre d’éducatrice, contenait
avec peine le torrent de sa voix. On aurait dit un génie sortant de
sa bouteille tiens justement, et qui enfle et qui gonfle en envahissant
l'espace de ses bras arrondis. Nous n’étions plus attentifs, nous
étions terrassés ! Totalement soumis à l'influence de l'ogratrice
! Pétrifiés ! L'oeil rond fixé sur notre Castafiore wagnérienne
et vilipendante!
Son mari était-il revenu saoul la
veille de sa partie de belote au bistrot ? L'avait-il abusée à son
retour ? Avait-elle été déçue par sa performance ? Je ne le saurai
sans doute jamais mais la chaleur, l'ardeur, la conviction que la matrone
mettait dans ses déclarations n’étaient pas sans suggérer un abus
de frustrations dans son équilibre quotidien. Elle vibrait tant que
quelques bizuths parmi les plus jeunes en firent pipi sur leur chaise,
affolés par la chair rosâtre et tressautante qui s'agitait flasquement
devant leur visage.
L’étroite soupape de notre pape
culturel allait-elle péter ? Nous craignions tous l'apoplexie, l’arrêt
cardiaque, l'auto-combustion. L'oeil exorbité, elle s’échinait à
hologrammer le spectre d'une bouteille de bibine dans l'espace vide
au dessus de nos têtes. Sa haine et son horreur de la boisson lui paraissait
sans doute assez puissantes pour lui permettre de concrétiser, para-psychiquement
et en 3D, l'exemple maudit à sa classe de disciples menacés.
Son effort de conviction me rappelait
un peu le jour où mon père avait essayé de me faire croire à l'Apocalypse.
On était tous plantés devant des tapisseries balaises ce jour-là.
Au début je croyais que ça représentait un champ de foire, il y avait
de l’activité dans tous les coins mais en y regardant plus près,
c’étaient quand même de drôles d’activités... Ma mère s'est
mise à m'expliquer grosso-modo à quoi tout cela faisait référence,
Noé et tout, et moi je me disais que décidément, les adultes, on
faisait pas mieux comme cinglés. C'est vrai quoi, quant à imaginer
quelque-chose d'important, ils auraient quand même pu trouver plus
gai. C’était affreux toutes ces tortures, toutes ces agonies. Je
ne voyais pas trop où était le plaisir. Bon. C’était pas la première
fois mais quand on est arrivé devant la dernière Apocalypse, celle
qui n'est pas encore arrivée, voilà que mon père me dit de bien regarder
parce que l’Enfer sur la Terre, c'est bien ce qui risquait de nous
tomber sur le coin de la gueule n'importe quand. D'abord j'ai rigolé,
mon père j'avais l'habitude, c’était pas un sérieux comme ma mère.
“Ah oui,” je lui dis, “comme les Gaulois qui attendent que le
ciel leur tombe sur la tête, hein ?”
Lui, je ne sais pas pourquoi, il
a insisté.
-"Si, si, ca va vraiment arriver."
Bon, j'essaie de raisonner,
-"Allez quoi, c'est pas possible
tout ce feu partout, les pierres, tiens, par exemple, ça prend pas
feu."
-"Ben si, et les volcans."
qu'il me répond.
-"Bon ben le sable alors, ça
prend pas feu le sable."
-" Mais si, ça devient du verre
même, il suffit de chauffer."
-"Oh, t'es énervant! Bon la
mer, tu vas pas l'incendier non plus la mer dis ?"
-"Ben si, ça s’évapore."
-"Oh arrête", lui dit
ma mère, "tu vois bien que tu l’énerves !"
-"Mais j'ai raison ! Y'a rien
qui résiste au feu et avec la bombe atomique, tout ça peut très bien
arriver ! Je ne vois pas pourquoi le gosse devrait l’ignorer."
-"Bon, peut-être." dit
ma mère en faisant la moue.
Ça m'a mis encore plus en rogne.
-"Mais ça va pas non ? Pourquoi
ça arriverait tout ça ?"
-"Ah ça !" m'a dit mon
père "je ne t'ai jamais dit que ça voulait dire quelque chose,
n’empêche que ça peut arriver quand même à n'importe quel moment."
Construire une bombe qui arrive à
faire ça ? Ils sont vraiment complètement tarés les adultes...
M'enfin moi, la maîtresse, je voulais
qu'elle m'aime. Or, la voilà qui s'adresse directement à la classe:
-"Qui a déjà vu des alcooliques
?"
Deux mains se lèvent.
-"Oui, Véronique ? Tu as déjà
vu un alcoolique ? Comment tu savais que c’était un alcoolique ?
Peux-tu le dire à tes camarades ?"
-"Il sentait pas bon !"
-"Oui ! Très bien Véronique
! Les alcooliques, ils ne sentent pas bon, c'est vrai ça ! Très bien
!" Zut, moi j'avais pas tellement écouté la question, j'aurais
pu répondre aussi ! C’est malin, maintenant c'est cette bigleuse
de Véronique qu'elle aime la maîtresse ! C'est nul !
-"Et qui est-ce qui peut me
dire ce qu'ils font encore les alcooliques hein ?"
Ah la vache, cette fois-ci je lève
la main ! Ah attends quand même, qu'est-ce que je réponds au fait
? Ah si, je sais, ils marchent pas droit, les alcolos. Je pointe mon
doigt.
-"Oui, Vincent, qu'est-ce que
tu peux nous dire ?"
-"Aghhheuuu... heu... ben ils
boivent du vin."
-"Oui, mais ça Vincent, c'est
ce que je viens de dire. Quelqu'un d'autre ?"
J'ai le bras à moitié sorti de
l'omoplate.
-"Marie-Noëlle ?"
-"Euh, ben je crois qu'ils marchent
pas comme nous parce que j'ai vu un film avec Charlot et alors il avait
bu le verre de quelqu'un et alors c’était du vin et alors après
il marchait à reculons."
Ah la la ! Elle m’énerve Marie-Noëlle
! Déjà qu'elle m'a bien eu l'autre jour quand je lui ai donné mon
bonbon que je n’avais presque pas sucé et qu'elle n’a même pas
soulevé sa culotte quand même, voilà qu'elle me pique mes réponses
maintenant, c'est dégoûtant, si ça continue je lui fais un croche-patte
dans la cour tout à l'heure!
-"Très très bien Marie-Noëlle
! Oui, tu as raison, Charlot, il avait dû boire un verre de vin par
erreur et comme tu dis, ça l'a fait marcher de travers. Est-ce que
quelqu'un d'autre a quelque-chose à ajouter ? Oui, Pascal ?"
Oh non ! J'ai gardé le bras levé
! Et l'autre qui a répondu à ma place ! Je panique, je ne trouve rien
! C’était quoi la question d'ailleurs ! Oh la la !
-"Euh... ben... j'sais pas."
La classe éclate de rire, la maîtresse
hausse les épaules, c'est réussi ! J'ai l'air encore plus débile
que Vincent maintenant ! Et les deux filles qui me regardent avec dédain
en plus. Alors là Marie-Noëlle, tu y as droit à ton croche-patte
! Je suis rouge pivoine, je me rassois, boudeur.
-"Alors vous comprenez"
continue l'enseignante, "comme l'alcoolisme est dangereux."
et nia nia nia et nia nia nia.
Pfff... Elle m'aimera jamais la maîtresse
maintenant c'est sûr. J'en ai marre, je ne lui ferai plus aucun dessin
puisque c'est comme ça. Je les donnerai tous à ma mère. Elle les
garde elle au moins.
Je sors de mon ronchonnement intérieur
et je réintègre la réalité scolaire juste à temps pour la dernière
question de notre harangueuse:
-"Est-ce qu'il y en a parmi
vous qui boivent régulièrement de l'alcool ?"
Ah ça ! Je ne sais pas trop ce que
régulièrement veut dire mais boire de l'alcool ça oui, je me rappelle
! J'en ai bu pour mon anniversaire. Du champagne même ! Je relève
le doigt.
Jean-Marie, de l'autre coté de la
classe lève le sien également.
-"Oui, Jean-Marie, qu'est-ce
que tu bois alors ?"
-"Mon papa, il me donne toujours
un demi-verre de bière quand on mange."
-"Oh un demi-verre ça va, ce
n'est pas beaucoup mais enfin fais attention de ne pas en boire plus
hein !?"
-"Oui, M'dame !"
-"Et toi Pascal ? Tu bois régulièrement
toi ?"
-"Non, moi je bois du champagne
!"
-"Ah bon !? C'est pas bien du
tout ça tu sais !"
Là dessus la cloche sonne, c'est
l'heure de la récré et de régler mes comptes avec l'autre petite
peste. Toute la classe sort après s’être emmitouflée d'anoraks
et de bonnets à pompon. Bon, au moins la maîtresse m'aura remarqué
cette fois !
Ça fait à peine dix minutes que
la récré a commencé et je n'ai même pas encore réussi à attraper
Marie-Noëlle quand j'entends la maîtresse m'appeler. Je me retourne;
elle est accompagnée de la directrice de l’école avec laquelle elle
se promène souvent pendant les récréations. Elles me font signe d'approcher
! Qu’est-ce que j’ai fait ? Encore heureux que je ne l'ai pas encore
chopée, l'autre cruche !
C'est Madame Pécotte, la directrice,
qui se penche vers moi en me tenant l’épaule:
-"Ça va mon petit ?"
-"Oui Madame."
-"Alors tu aimes bien boire
du champagne il parait ?"
-"Oui Madame."
-"On va aller dans mon bureau
hein, on sera mieux pour bavarder."
-"Oui Madame."
-"Vous, restez ici pour surveiller
la cour." ordonne-t-elle à ma maîtresse.
-"Oui Madame."
Arrivés dans le bureau de la directrice,
j'ai vite compris que la situation me dépassait déjà largement. Elle
me fit asseoir sur ses genoux et se mit à m’ausculter, à me soulever
les paupières, à me sentir l'haleine. Ouh la la !
-"Hmmm, tu m'as l'air bien palot!"
décide-t-elle. "Je crois que je vais appeler ta mère."
Oh non ! Alors ça, ça ne présage
rien de bon. Pourtant la barbe, je n'ai rien fait de mal ! En plus c’est
vrai que j'ai bu un fond de coupe de champagne pour mon anniversaire
!
L’après-midi passe lentement.
J'en connaîtrai plein d'autres, de ces heures en attente d’être
puni. On sait que ça vient, il va falloir essuyer des tas de reproches,
des criailleries, de vieilles bêtises vont refaire surface, se prendre
une baffe ou deux, la fessée paternelle aussi peut-être, on ne saura
quoi faire de moi, on me présagera encore un avenir peu glorieux, on
se demandera de quelle hérédité je suis fait, on regrettera le bon
vieux temps du pain sec et de l'eau et pour finir, on m'enverra dans
ma chambre où je n'aurai plus qu'à m'allonger avec un livre. Bah,
je serai majeur un jour...
Le soir venu, après l’étude,
ma mère qui vient de finir ses cours au collège en face, arrive enfin
dans le couloir de la salle de jeu. Elle n’a pas l’air commode dis
donc ! Elle m'attrape par le bras et zou, en route chez la directrice.
Ahem, on dirait qu'elles ont déjà eu une entrevue, ma mère est blanche
de colère et la directrice ne vaut guère mieux.
-"Alors, il parait que tu racontes
que tu es un alcoolique Pascal ?"
-"Ben non ! J'ai pas dit ça
!"
-"Ah vous voyez !"
-"Attendez un instant. Tu n'as
pas dit que tu buvais régulièrement du champagne ?"
-"Si ! J'ai dit que j'en avais
bu à la maîtresse."
-"Ah vous voyez !"
-"Mais enfin quand !? Quand
as-tu bu du champagne ?"
-"Ben pour mon anniversaire
!"
-"Mais enfin c'est pas boire
ça ! C'est pas un doigt de champagne qui va faire de mon fils un alcoolique
!"
-"Oh mais on ne sait jamais
vous savez ! On n'est jamais trop prudent ! C'est notre devoir de dépister
des cas d'alcoolisme chez les enfants et ce n'est pas parce que vous
êtes professeur que vous êtes au dessus de tout le monde !"
Ma mère m'a encore attrapé par
le bras en haussant les épaules et elle est sortie du bureau sans dire
au revoir. Elle avait l'air encore plus furax et elle ne m'a pas dit
un mot dans la voiture.
-"Heu, M'man, j'te d'mande pardon,
hein j'savais pas..."
-"Il a encore fallu que tu te
fasses remarquer hein !? On réglera ça avec ton père à la maison
!" Oh la la la la...
Après le dîner, comme d'habitude
dans les cas graves, on m'envoya dans ma chambre, le temps que mes parents
se concertent.
-"Bon Pascal, viens ici !"
Je m'y traîne, une boule dans l'estomac.
-"Qu'est-ce que tu as raconté
exactement à ta maîtresse ?"
-"Mais rien, elle a demandé
qui c'est qui avait bu de l'alcool alors moi j'ai levé la main parce
que j'en avais déjà goûté un peu avec le champagne que Papa m'avait
donné dans mon verre pour mon anniversaire. C'est tout. Après Madame
Pécotte, elle m'a appelé dans la cour et elle m'a amené dans son
bureau."
-"Pour quoi faire ?"
-"J'sais pas, elle m'a regardé
les yeux."
-"Ah mais c'est incroyable !
C'est la Gestapo cette école ou quoi !? Je ne veux plus qu'il y remette
les pieds, tu m'entends Chéri !?"
Chéri ne dit rien, il acquiesce,
comme d'habitude.
Mais attends, j'ai bien entendu ?
Plus d’école ?
-"Oui oh ne te fais pas trop
d'illusions toi, pas la peine de jubiler, puisque ton père est au chômage
en ce moment ça tombe bien, c'est lui qui va se charger de t'apprendre
à lire, à écrire et à compter. J'aime mieux te dire que tu vas travailler
jusqu’à ce que tu regrettes de ne pas aller à l’école ! Et maintenant
tu files dans ta chambre !"
Bon, voilà, c'est même pas la peine
d'essayer d'argumenter quoique ce soit, ça ne ferait qu'augmenter le
volume sonore. Je monte dans ma chambre. C'est dommage, je ne verrai
plus les autres, ni mon copain Olivier qui me laissait goûter sa langue
à défaut de me prêter son bonbon ni Martine qui voulait bien se laisser
embrasser dans la cour et qui avait même accepté de se marier avec
moi !
Ma mère a tenu promesse. Je ne suis
jamais retourné à la maternelle et comme mon père était patient,
je me suis retrouvé en avance pour mon âge. Sale privilège, c'est
le moins qu'on puisse dire ! Quand je suis entré à l’école primaire,
on n’a pas voulu de moi en cours préparatoire, on m'a fait sauter
une classe d’emblée. Moi qui avait voulu me sentir plus vieux en
buvant du champagne pour mes cinq ans, je me suis retrouvé condamné
à être le plus petit de la classe avec un an d'avance pour tout le
reste de ma scolarité et ça n'a pas été du gâteau.
Tarés ces adultes !
En attendant, marqué pour la vie
par cette mésaventure enfantine, je n'ai jamais montré le moindre
goût, et réciproquement, pour la boisson alcoolisée quelle qu'elle
soit. Je trouve la bière franchement dégueulasse, le vin, j'en apprécie
une gorgée s'il est très bon et les alcools, je gerbe. Pour un Français,
c'est un handicap.
Nish
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