Ride the World in Style

Ride the World in Style
Kawasaki W650

Welcome to my nightmare

Oh moi je ne suis qu'un bouffon Messires !
Un acrobate verbal pour mieux vous faire rire,
Jongleur grammatical et n'étant pas bien né,
Je mendie les regards et fais des pieds de nez.
N'ayant que peu de foi en la nature humaine,
Je traque les fissures de ses allures mondaines.
Je dis les vérités que l'on déteste entendre
Et attire la haine quand je voudrais du tendre.
Mais mon vocabulaire est une bien piètre épée
Et je vous laisse Messieurs l'honneur de batailler.
Nish

samedi 30 janvier 2010

Nish Man - Moto



Moto-Crash 


  
Ah la la, dans quel état je titube, moi, ce matin ! C’est bien simple,
j’en ai mal aux os ! Ah et puis les boules aussi… comme des tonneaux
! Je me suis planté dans le tunnel, à moto, hier matin !


Déjà, j’ai jamais trop
compris comment ils se débrouillaient pour avoir des accidents dans
les tunnels dans ce patelin et puis voilà que ça m’arrive de plein
fouet ! Tous les matins, c’est un bouchon pas possible à la sortie
de l’autoroute en provenance des Nouveaux Territoires. Toute la classe
moyenne est là, en Toyota ou en Saibaru, par couple en général. Madame
somnole pendant que Monsieur conduit. A moto, ça va, je passe entre
les files. En fait je passe mon temps à circuler entre les bagnoles
ici et je pense sincèrement à m’acheter une Ténéré d’occase
pour passer dessus, ça ira plus vite. Et tout ça pour filer six balles
au péage ! Il y des bombes qui se perdent !


Après le péage c’est encore
pire d’ailleurs, le grand délire, parce qu’une dizaine de files
de voitures, de camionnettes, d’autobus à impériale, de poids-lourds
essaient de se comprimer le plus rapidement possible en quatre voies,
puis en deux. A chaque fois, ça fait des noeuds et, au moindre accrochage,
au moindre clignotant éraflé, les chauffeurs s’arrêtent net sur
place et attendent la venue de la police.


M’enfin ça y était, j’avais
passé le plus difficile et je me croyais peinard, à 40km/h dans le
tunnel, humant avec délice les gaz d’un quinze tonnes devant moi.
Le moteur de ma 450cc tournait comme une machine à laver pleine de
soupline et je profitais douillettement de la bonne chaleur qui règne
dans le tunnel à cause de tous les moteurs surchauffés qui y tournent
sans arrêt. Je dégustais la douce et harmonieuse sensation de mes
pneus bien gonflés sur le macadam lisse et luisant d’huile; en quatrième
ma bécane ne fait que ronronner doucement mais il suffit que je resserre
d’un cran le collier de l’accélérateur pour qu’elle me balance
un rugissement de fauve par tous les trous de son pot d’échappement.
Dans le tunnel, avec l’écho, j’en ai l’ego qui fait le beau.


Soudain, honte suprême pour
un motard farouche lancé à la conquête de son destin, je me retrouve
par terre, sans savoir pourquoi, tout glissant et pataugeant des bras,
cherchant un sens à ma dégringolade et à mon équilibre et tachant
de mon mieux d’éviter de me prendre dans la figure le moteur bouillant
de mon engin que je vois foncer sur moi en tournoyant dans une gerbe
d’étincelles. De grands coups de frein résonnent tout près de moi.
Ma glissade s’arrête enfin. Je me suis fait avoir par la camionnette
derrière moi et, non content de m’avoir jeté au sol, il a encore
fallu que le chauffard tamponne ma moto une deuxième fois; c’est
pour ça que j’ai failli me la prendre dans la gueule ! Pendant une
seconde je reste immobile, allongé sur la route; j’attends que le
temps reprenne son cours habituel en comptant mes abatis. Puis, pris
de crainte tout à coup, je me redresse et je fonce sur le coté du
tunnel pour me protéger des voitures. Ce n’est pas la peine, les
deux files sont à l’arrêt, ma moto gît en travers de la route sur
la ligne blanche, de l’huile ou de l’essence commence à former
une petite flaque.


Je masse ma jambe endolorie
en regardant, l’oeil noir de crainte et de ressentiment,  cette
mauviette de camionnette qui m’a attaqué par derrière. Son pare-chocs
est défoncé et son phare gauche est cassé. Je me demande bien comment
il m’est rentré dedans sans blague, je le savais derrière moi mais
pas si près et pas si vite ! Je venais juste de le doubler à l’entrée
du tunnel… je ne comprends pas.


Deux types en sortent et essaient
de redresser ma moto, en vain. Le chauffeur va passer un coup de téléphone
pour prévenir les flics. Il revient pendant que je pousse ma moto sur
le coté avec l’aide de son copain histoire de permettre au trafic
de reprendre au moins sur une voie. Le chauffeur me demande si ça va.
Ouais, j’ai pas la jambe cassée mais c’est pas de ta faute !


Je jette un coup d’oeil à
cette moto qui me coûte une fortune en réparations diverses et qui
tombe en miettes au moindre choc. Mouais, elle est morte cette fois…
le garde-boue arrière et la plaque d’immatriculation ne sont plus
qu’un ensemble indistinct de tôles mâchées et repliées sous la
selle. La selle est pliée en deux et le pare-chocs qui y est fixé
s’est tordu en même temps. C’est sans doute lui qui m’a projeté
en avant, d’ailleurs j’ai les protestations d’une de mes vertèbres
pour le prouver. Bien sûr, le phare et les clignotants ne sont plus
que des souvenirs. A l’avant, ils sont encore là mais ils pendouillent
misérablement, le gros phare rond ne l’est plus et le verre est en
morceaux. Les deux compteurs sont bousillés et le guidon est tellement
tordu qu’il est entré dans la tôle du réservoir. Je regarde les
fourches : pliées, elles aussi. En fait ma bécane s’est pris un
tel choc qu’elle en a fait un tonneau ! Heureusement qu’on est vite
éjecté dans ces cas-là…


Finalement, j’ai du bol;
ce matin, j’allais donner une heure de cours à la patronne de SinWah,
on aurait dû faire le voyage ensemble mais, curieusement, il n’y
avait plus qu’un casque à la maison, le mien. SinWah, qui en a deux,
les avait oubliés au bureau. Elle a voulu emprunter celui d’un voisin
mais les siens étaient restés au garage, avec sa bécane en réparation.
Pas de casque, no lift… sorry !


Et heureusement parce que sinon,
vu le choc qu’elle se serait pris derrière moi, SinWah serait sans
doute promise à la chaise roulante !


Le chauffeur de la camionnette
semble être encore plus mal en point que moi c’est bizarre. On dirait
qu’il va fondre en larmes; il n’arrête pas de me dire “sorry”
et ça semble si évident qu’il l’est, sorry, que je ne peux même
pas défouler ma rogne sur lui. Son pote m’annonce qu’il vient juste
d’avoir son permis, c’est sans doute pour ça qu’il m’a raté…


Lorsque les flics sont arrivés,
il m’ont fait monter dans leur estafette et nous sommes sortis du
tunnel. Les employés se sont chargés plus tard d’en extraire ma
rutilante épave pendant que je me faisais massacrer ma dernière épaule
valide à coup de piqûre antitétanique à l’hôpital. On m’a bien
appuyé partout où j’avais mal en me demandant si ça faisait mal
puis j’ai dû attendre un moment pour passer une radio. Ils m’ont
radiographié le coude, où je n’ai qu’une éraflure, mais ils ont
refusé de me faire le dos alors que j’y ai chopé le plus bel hématome
de ma vie. Pour ça, il aurait fallu que j’obtienne une autorisation
du médecin et je n’avais pas envie de refaire la queue. Malgré tout
j’ai bien attendu une demi-heure avant de récupérer le résultat
des radios puis encore une autre demi-heure pour avoir mes médicaments.
Quand je suis sorti de l’hosto, il était midi passé et je n’avais
toujours rien avalé depuis la veille.


Pas le temps de manger pourtant.
Comme je n’avais pas mon assurance sur moi, je suis rentré à la
maison pour la chercher puis je suis allé au poste de police. J’y
suis arrivé à 2h30. A 3h30, je vois enfin quelqu’un, un charmant
jeune homme de la police motorisée, un Anglais très bien élevé que
je connaissais déjà de vue puisqu’il jouait son rôle de pourchasseur
d’excès de vitesse dans un des derniers films chinois dont j’ai
rédigé les sous-titres en français et qui fait la gloire des flics
motards de Hong Kong. Puisque personne ne vérifie jamais mes traductions,
j’avais traduit le titre de son film par “Les guerriers du goudron”…
mais je n’ai pas jugé prudent de lui en faire part. Sur le mur du
bureau de police, derrière mon guerrier goudronné, il y avait une
affiche représentant Schwartzenegger portant des lunettes noires et
une mitraillette. “The world is full of crimes… meet the cure !”
Hum, je vois le genre. Pourtant, c’est le seul à avoir pensé à
m’offrir une tasse de café depuis ce matin.


J’ai encore attendu, après
ma déposition, qu’on me donne la feuille de sortie pour ma moto que
les keufs avaient emportée dans leur garage pour leurs examens forensiques.
L’autorisation de sortie n’étant valable que le jour même, il
fallait que je m’en occupe tout de suite sous peine de refaire la
queue au commissariat le lendemain. Ma bécane était à perpette, dans
un quartier où je n’avais encore jamais mis le bout du nez et le
plan qu’un flic m’avait donné n’a servi qu’à me faire faire
une bonne dizaine de kilomètres à pied. Ma jambe m’en remercie chaudement
aujourd’hui !


Quand finalement j’ai réussi
à trouver la fourrière mécanique, il faisait déjà nuit. J’ai
demandé au pig de service s’il pouvait quand même garder ma moto
jusqu’au lendemain mais le règlement le lui interdisait. J’ai demandé
si je pouvais la garer sur le trottoir pour la nuit mais le code de
la route l’interdisait. Alors j’ai téléphoné à mon garagiste
qui est bien gentil avec moi mais qui a la détestable habitude de répondre
“What !?” à tout ce que je dis. Finalement, c’est le flic qui
a dû lui expliquer ce que je voulais. Mais il a fallu que j’aille
le chercher à Tai Po, rien que pour lui montrer où était ma moto
! Il y avait un match de foot à la télé hier ou quoi ?


Comme il vient d’être papa,
il a d’abord fallu qu’on passe acheter des couches-culottes et qu’on
aille à l’hôpital pour qu’il fasse un bisou à sa femme - qui
est jolie d’ailleurs. Moi, j’ai attendu dans sa camionnette mais
c’est dommage, l’autoradio ne marchait pas.


Finalement on est allé chercher
la moto. Il a fallu que je fasse des sauts à cloche-pied en hurlant
derrière la grille pour me faire remarquer par le gardien qui somnolait
derrière son bureau. Heureusement, il avait laissé la porte ouverte
ou je sauterais encore !


On a chargé la bécane dans
le van et après un très rapide examen de la chose, mon garagiste m’a
proposé une Honda 900 de 1981 pour pas cher. Il n’a pas l’air de
penser qu’il pourra sauver ma Yamaha cette fois…


En rentrant, il m’a laissé
devant l’entrée de mon village. Il était 21 heures. J’ai descendu
la pente raide qui mène à la maison bercé par les doux gémissements
de mon genou surmené et je pensais que finalement, le système administratif
français n’est ni si pesant ni si inhumain que ca.


Arrivé chez moi, j’ai ouvert
le frigo pour sortir le lait et j’ai pu enfin prendre mon petit-déjeuner.





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