Nish Man - Koh Chang

Koh Chang 

Il a pas mal plu sur ma
plage paradisiaque, la mousson moussait dur sur les moutons d'écume
! Mais c'est très beau les pluies battantes vu des vagues ! Si si,
j'avais jamais essayé mais j'y suis resté un bon moment. Imaginez
ça, il pleut des cordes, drues, ça tombe fort, avec des plocs retentissants
qui vous soulèvent des milliers d'éclaboussures. Les vagues en sont
toutes blettes, tout est gris, l'eau rejoint le ciel et réciproquement.
L'averse est si drue qu'elle forme une sorte de brouillard, on ne voit
pas à cinquante mètres et vous êtes là, barbotant dans l'eau chaude,
la tête tambourinée par des gouttes froides, perdu dans les dunes
mouvantes et blêmes d'une mer tropicale. Faudrait inventer le Riz-la-+
imperméable !

D'ailleurs c'était pas
trop l'pied la marijuana c'coup-là. On arrive, tout bardés d'espoirs,
devant le comptoir du resto de White Sand Beach histoire de marchander
le prix d'la hutte à vingt balles la nuit et quand le deal est fait
j'demande, l'air de trouver ça normal:

-"Bon, pis vous m'mettrez
un p'tit sac de ganja d'côté hein !?"

-"Ah ben non, j'en
ai pas" qu'elle me dit la patronne, une jolie maman thai toute
petite et toute boulotte mais mignonne comme tout "pis vaut mieux
pas, c'est dangereux maintenant, y'a souvent les flics sur la plage,
pour vous dire, y'a trois mois ils ont emmené un Anglais les menottes
aux poignets à 20 minutes d'ici à Kai Bae!"

Mince alors, y'a 4 mois
moi j'y étais à Kai Bae ! Et dans un état ! C'est qu'là-bas la Mama,
elle me connait bien et elle lésine pas sur les parts... Merde alors,
les keufs ! On est tranquille nulle part alors ?

-"Bon, ok, ben z'auriez
pas une mobylette ou un truc à louer des fois, que j'fasse un saut
à Kai Bae ?"

-"Ben non."

-"Zut, faut qu'j'me
tape la côte à pied alors ? Dur!"

-"Ben z'avez p'têt
une chance de trouver d'l'herbe dans l'restau d'à côté alors, à
Rock-Sand beach."

-"Ah ben voilà! Merci
Madame !"

Le soir, après un dîner
de poissons frais à l'ail que j'en ai encore l'haleine toute drôle,
j'emmène mes nanas (Hélène 6 ans, Sarah 5 ans et ma meuf 35 ans)
à Rock Sand. Ah ben ils sont en pleine réparation. Rock-Sand c'est
pas vraiment un coin a touriste. En fait vaut mieux éviter, c'est lourd
l'ambiance là-dedans ! En gros c'est là que certains mafieux de bas
étage de Bangkok viennent se mettre à l'ombre après un mauvais coup.
Faut voir les dégaines. Y'en a, ils sont assez cools remarque, pas
l'genre à inviter chez sa vieille moman m'enfin z'ont d'la conversation,
z'ont vu du pays. Mais y'en a d'autres, pfff, rien d'croiser leur regard
t'as envie d'aller t'pendre tellement ils sont barrés les mecs. C'est
marrant, depuis l'Népal, j'les reconnais les mecs qu'ont tué d'autres
gens, ils ont tous le même truc froid, triste et perdu dans l'regard,
ça doit pas être drôle de vivre avec des meurtres sur la conscience
sans doute. Bref, chacun son trip hein !

Le type qui me sert mon
herbe (300 baths au lieu de 100 y'a trois mois grrr) a carrément un
tigre de tatoué sur la poitrine que ça m'fait marrer parce que j'repense
au moineau d'Renaud; hehehe, moi un tigre, j'aurais pas la place mais
avec mon triangle de poils, ça fait assez minou...

Par contre elle est toujours
aussi bonne la Cambodgienne. Y'a un vieux menuisier qui nous a invité
à fumer le bangh après, que trois ou quatre ça a suffit. Le vieux
il passe ses journées à retaper les huttes, il est cool mais il s'arrange
toujours pour repérer les fumeurs de passage, ça lui fait faire des
économies. L'a bien raison hein, pis son bangh il assure. Le bambou
est usé par l'âge et l'usage, il te prépare des taffes sur mesure,
t'applaudit presque quand t'arrives à finir en aspirant les cendres
sans tousser et il arrive à se lever pour remplacer l'eau toutes les
dix tafounettes. C'qu'est cool c'est qu'il parle un peu mandarin et
que j'ai pu discuter un peu avec lui c'coup-ci par l'intermédiaire
de SinWah, ma moitié chinoise.

Après ça on est rentré
chez nous et avec les mômes on a attaqué l'écume tout l'long du chemin
et on est arrivé trempés mais pliés d'rire. Comme on était un peu
serrés, à quatre sur un king size, j'ai élu domicile dans mon hamac
sur la terrasse de la hutte. Je n'en suis sorti en gros que pour aller
patauger avec les filles, pour bouffer du poisson et pour jouer au backgammon
avec un poissonnier bavarois histoire de rafraîchir mon allemand. J'ai
rien écrit du tout à part un p'tit poème. J'ai essayé, mais avec
les mômes qui viennent te demander pourquoi qu't'écris ça et qu'est-c'que
t'écris et c'est quand qu'on va nager et j'veux des chips et est-ce
que j'peux manger un bonbon et c'est quand qu'on va faire du bateau
et tu m'achètes du coca-cola dis, c'était pas facile. Pis c'est les
vacances hein :)

Nish